Ce n'est pas un secret, Clint Eastwood devait réaliser une nouvelle version de Une étoile est née. Seulement, des soucis de production l'ont contraint à ajourner le projet, ce qui ne lui a pas empêché de rebondir avec un autre spectacle musical, celui racontant la genèse du groupe Four Seasons sur près de 35 ans, jusqu'en 1990.

Four seasons était (et existe encore d'ailleurs, avec d'autres membres) de pop rock très populaire en Amérique ; pour aller dans les grandes lignes, ce quatuor de jeunes hommes était l'équivalent des Beatles, y compris dans les caractères où deux d'entre eux, Tommy DeVito et Franky Valli étaient les têtes pensantes du groupe.
Eastwood raconte cette histoire, au fond très américaine, du rise and fall, où l'un d'entre eux va saboter l'harmonie du groupe, où un autre va pondre des tubes comme on fait pipi, et l'un va de par sa voix très singulière, déchainer les passions, ce qui ne sera pas sans conséquences sur leurs vies personnelles.

Le spectacle est un genre très prisée des réalisateurs américains ; on pourrait citer Robert Wise (Star 80), Bob Fosse (All that Jazz), les différentes versions d'Une étoile est née... Ces films donnent souvent le champ en matière de spectacle, et Eastwood se sert aussi du groupe pour montrer un monde qui change ; celui des années 50 qui va apprendre la subversion à travers ces quatre garçons qui ne sont pas tellement dans le vent.
Comme souvent, la lumière du film, signée Tom Stern, donne dans une ambiance sombre, voire lugubre, car il y a toujours le risque que tout se termine du jour au lendemain, que le succès ne soit plus là, ce qui est bien montré dans le film.

Il faut faire attention car ce film n'est pas une comédie musicale ; les chansons sont nombreuses, mais il y a aussi des scènes très intéressantes où l'un des protagonistes (souvent Tommy Devito) vient nous parler face caméra avec un certain cynisme et sur un air de "tout est foutu".
Pour en revenir aux chansons, elles parleront certainement aux spécialistes car on y trouve des classiques comme Sherry, Oh what a night (Claude François l'a repris en français sous le titre Cette année-là), et surtout le classique Can't take my eyes off you. Et je dois dire que dans une salle de cinéma, ça met une de ces patates, sans oublier que c'est bien filmé et qu'à plus de 80 ans, le père Eastwood en a à revendre.

Ce dernier a aussi pris le parti de scénariser son histoire par les auteurs de la pièce à succès dont est tirée le film, et que les quatre acteurs qui composent Four Seasons sont ceux qui sont aussi dans la pièce, ce qui fait qu'ils sont tous inconnus. Et je dois dire qu'ils sont formidables, surtout John Lloyd Young qui joue Frankie Valli ; on sent qu'ils connaissent leur texte par cœur et il s'y dégage un esprit presque fraternel entre les quatre. Le seul acteur connu étant Christopher Walken, qui joue leur mentor, dont on peut regretter qu'il n'ait que peu de scènes, et dont chaque apparition est un bonheur de drôlerie, y compris dans le pire. A noter que Clint Eastwood fait un cameo dans une scène, mais gardez bien les yeux ouverts, ça va très vite...

La seule suspicion que j'émettrais serait l'objectivité sur les personnages de Frankie Vallie et Bob Gaudio, car ils sont les producteurs du film, et il faut dire qu'ils ont un peu le beau rôle, surtout Bob Gaudio qui passe pour un vrai surdoué de l'écriture ; il va composer des tubes en 15 minutes ! Du coup, le personnage de Tommy DeVito est un peu chargé, car il passe un peu pour l'ordure de l'histoire. Quant à Nick Massi, il est décédé depuis, est-ce pour cela que son personnage dans le film soit tant effacé ?

Plus le temps passe, chaque nouvelle sortie d'un film d'Eastwood devient un évènement qu'il faut louer ; une telle constance, surtout depuis Mystic River, et dans les genres les plus divers, c'est un exploit. Je suis très fan de Jersey Boys, qui va plus loin que le bête sobriquet "comédie musicale" dont on l'affuble.
Boubakar
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le 7 juil. 2014

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Boubakar

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