Ah qu'elles sont jolies les filles de mon... lycée.
Malgré une actrice principale détonnante et une idée générale intéressante (dès que ça parle de pute, Bibie est là), "Jeune et jolie" rassemble tous les clichés possibles dans un film sur la prostitution, sans aucune originalité : une demoiselle devient escort-girl (à défaut de faire le tapin la nuit dans les bois, et de ramener sa dot à son mac qui lui passera un savon avant de la violer), paf un problème (que ce soit un client dont elle tombe amoureuse, ou un vieux qui claque pendant sa cavalcade, ça n'a pas d'importance), l'entourage découvre ahuri l'activité borderline de la susnommée, bouh bouh elle me dégoute, retour à la vie normale, et tutti quanti.
Le plus gênant ici n'est pas la banalité du scénario ni son développement académique. Non, c'est plutôt le manque de détails quant à la genèse de l'escorting d'Isabelle. Pourquoi ? Qu'est-ce que l'a poussé à vendre son minou ? Mis à part qu'elle ne fait que tirer la gueule pendant quatre-vingt-dix minutes, et qu'une petite scène sous forme de flashback chez son psy, montre qu'en regardant un reportage à la télévision sur des étudiantes se prostituant pour payer leurs études, elle s'est dit que pourquoi pas. Il n'empêche qu'à l'image de son personnage principal, le long-métrage est ennuyeux, déserté de toute sensibilité. Le sexe y est vu comme un rapport non affectif, aride, alors même que l'adolescence est la période où la palette d'émotions est la plus forte chez l'être humain, notamment par la découverte de l'amour, des premiers émois, du sexe. Ici, le racolage des spectateurs se fait sur le complexe de la lolita. Que ce soit par le désir que provoque Isabelle autour d'elle (son petit frère qui la mate sur la plage ou par l'entrebâillement de la porte de sa chambre ; son beau-père qui en plus de prendre à la légère sa prostitution, freeze lorsqu'il la découvre nue sous la douche), par les multiples scènes de sexe (normal c'est une pute), ou la violence du mépris envers Isabelle ("Tu connais l'expression : pute d'un jour, pute toujours !", "Dégage ou je préviens tes parents que tu fais la pute"...).
François Ozon a tenté avec tantôt de la maladresse (un scénario à chier, misogyne pour certain, trop gay pour d'autres ; des contrepoints auditifs mêlant Françoise Hardy à M83 et Crystal Castles...) et tantôt de l'habilité (la réalisation est clairement le point fort du film, avec un montage agréable, un jeu de reflets et de projections [mentales] de la protagoniste) le mythe de la lolita. Si on le prend comme un film d'auteur, c'est râpé et raté. Le considérer comme un film jeune (ou pour jeune) ? Même constat. Au final, "Jeune et jolie" est un long-métrage creux et poussiéreux, à l'image de ce qu'il se fait de mieux à Cannes.