Une œuvre potiche, à la plastique impeccable mais sans grande personnalité
Jeune & Jolie est ma troisième rencontre avec François Ozon.
En seulement trois films, je commence déjà à déceler des gimmicks crispants, chez un réalisateur qui semble vouloir vider son œuvre de toute substance, lisser et stéréotyper son discours comme ses actrices.
À trop aseptiser son film, en cultivant, à dessein peut-être, un ton désincarné propre à traduire l'état d'esprit de ces filles de la nuit qui se donnent sans passion, Ozon nous refuse l'empathie, nous empêche de compatir, c'est tout juste si l'on cherche à comprendre ce qui pousse Isabelle à se livrer ainsi. Cela ne semble même pas être le fil conducteur, et l’on finit par se demander ce qui l’est.
Quand il essaie de faire appel aux sentiments, c’est un échec.
Un aveu d’impuissance particulièrement frappant, car visuellement tout est là, l'esthétisme de certaines scènes, leur beauté froide même entre en résonance avec ce qu'elles décrivent.
Et tout s'arrête.
C'est d'autant plus regrettable que le sujet est largement intéressant, et potentiellement dérangeant.
D'un propos qui avait tout pour choquer, ressort une bobine relativement plate, à l'exception notable de la scène de la fête, où Isabelle/Léa traverse les pièces, éthérée et désenchantée, dominant, de toute sa maturité acquise en accéléré, des camarades encore balbutiants, expérimentant et pensant briser toutes les limites, là ou elle a déjà brûlé les garde-fous et les conventions, souriant de leur naïveté.
Malheureusement, on le sent, il voudrait parler des femmes, de la Femme et n'y parvient pas. Il en fait une coquille vide, un être de chair sans âme ni chaleur. C'est du moins exactement l'impression que m'ont laissé les deux autres de ses films que j'ai vu, 8 femmes et Swimming Pool.
Oh des pistes sont suggérées, timides et insatisfaisantes.
Mais la narration témoigne d'un manque d'audace flagrant, le plus agaçant étant ce chapitrage complètement bateau, représentant pour moi la paresse dont fait preuve le réalisateur.
À vouloir souligner l'absence de logique, il empêche presque la réflexion.
Tout est survolé, des mobiles aux séances de psy.
Jusqu'à cette scène finale pas tout à fait assumée, symptomatique de l'incapacité à achever ce qu'il commence, sans même que cela génère la moindre frustration chez le spectateur, ce qui est rarement bon signe.
La caractéristique d'un film tiède, frileux, dans l'ensemble mou et chiant, entrecoupé de quelques -trop rares- fulgurances.
C’est poussif et irritant, parce qu’en filigrane on devine ce qu’il aurait pu devenir entre des mains plus expertes.
Et c’est bien la seule frustration qu’il suscite.