L’année dernière, au presque même jour qu’aujourd’hui, sortait le Victoria de Justine Triet, comédie gentiment décalée sur une quarantenaire active en modes dépressif et bordel dans sa vie. Le Jeune femme de Léonor Serraille regarde se démener une trentenaire en modes plus dépressif et plus bordélique encore. La trentenaire c’est Paula, larguée par son copain, larguée dans la vie et larguée dans Paris avec un gros matou sur les bras. Paris contre laquelle elle bute ("C’est une ville qui n’aime pas les gens", dira-t-elle), Paris blafarde, Paris ordinaire, Paris qui la trimballe d’une chambre d’hôtel miteuse à une chambre de bonne miteuse ; Paula est perdue dans Paname.


Paumée et disjonctée, émotive et combative, Paula tente de s’en sortir, de trouver une nouvelle respiration. Mais son caractère un rien borderline, entre spleen inavoué et folie douce (on ne saura pas si Paula était fantasque de nature, comme allant de soi, ou si elle a soudain perdu pied à cause de sa rupture avec Joachim, photographe à la mode dont elle fut le modèle), la mène le plus souvent à des situations cocasses et drôles, parfois embarrassantes. Croisant sur sa route d’errance (sociale autant que sentimentale) une jeune maman et sa fille, un vigile de centre commercial et une ancienne copine d’école qui la prend pour une autre, Paula cherche une forme de liberté qui saura, peut-être, la convaincre des choix qu’elle à faire (reparler à sa mère, se remettre avec son ex, garder son bébé, rentrer dans le rang, préférer la bohème…).


Jeune femme est un film pas vraiment aimable, assez cru, très direct. Il parle de travail déshumanisé et de solitude, de précarité et d’abattement, rejetant les codes de la comédie girly (ici pas de meilleure copine, pas d’appartement tendance, pas de super job super cool…) pour célibattantes à la Clara Sheller. Sauf que derrière ce refus des conventions, Jeune femme n’a rien à proposer de nouveau en termes de sinistrose parisienne et de nana névrosée-mais-je-me-soigne qu’on aura le droit, en ce qui concerne Paula, de trouver limite pénible tant Serraille s’ingénie parfois à charger son héroïne de travers assez détestables (nombriliste, râleuse, enquiquinante…). Heureusement que l’abattage de Laetitia Dosch et la mise en scène, énergique, de Serraille empêchent le film de s’abîmer dans un certain misérabilisme (lumières ternes, décors glauques, mal-être ambiant...) jamais loin de l’emmener droit dans le mur.


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mymp
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le 8 nov. 2017

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