Think Different. Ce n’est pas ce que s’est dit le réalisateur, qui nous offre là une version un peu plate de la vie du brillant Steve Jobs. Si la première partie est rythmée, la deuxième partie, redondante, n’est qu’une succession de moments émotions sous fond de violons. De conseils d’administration en salles de réunion, de brainstorming à sa maison de Palo Alto, Jobs fait passer Steve pour ce qu’il n’est pas : un mec chiant.

Du va-nu-pieds au milliardaire

Le début du film commence à un âge déjà avancé de Steve Jobs, avec la présentation de l’Ipod. Ô joie, ça y est, nous assistons à la transformation de Kutchobs. La ressemblance est frappante, la première scène difficilement oubliable, et on attend mieux pour la suite. Retour aux années fac, avec un Steve pieds nus, lisant des bouquins sur le bouddhisme et assistant aux cours de calligraphie. Là, tout s’enchaîne : son amitié avec Kottke, la prise de LSD (même si non explicite), son voyage initiatique en Inde, et le retour à la réalité. Son boulot chez Atari : il pue trop (car il ne se lave que très rarement) et il emmerde tout le monde en disant que ce sont des crétins. La révélation : son timide et pataud ami Wozniak, le deuxième Steve, a inventé le concept de relier le clavier, la carte-mère et l’écran de télé. « Wow », le premier mot de Steve, est sans équivoque. Aussitôt, il se met à chercher, à se passionner, à innover. La première partie du film donc nous offre le Jobs que j’ai retrouvé dans sa biographie : à la fois brillant et insupportable, arrogant et passionnant. C’est un homme à la fois sensible (il pleurait souvent) et destructeur, manipulateur et extatique. Le réalisateur passe quand même en revue des événements importants de sa vie, comme sa fille qu’il renie, la découverte du nom de la société, sa rencontre avec Markulla.

Silicon Valley babey

Et là, patatras, la deuxième partie du film commence et on a du mal à ne pas s’ennuyer devant tant de longueurs. Si au début on se laisse prendre par cette douce lenteur, ce n’est qu’ensuite une répétition de scènes où on voit le conseil d’administration, son questionnement : « est-qu’il faut garder Steve ? Oui parce qu’il est chiant quand même », puis Jobs qui travaille, puis Markulla qui le rassure, puis… zzzzzz. Les coulisses de la Silicon Valley nous sont offertes, oui, mais un peu plus de punch n’aurait pas manqué. Lorsqu’il se fait virer de sa propre société, tout ce qu’on obtient est un cri depuis sa voiture, puis zou ! raccourci vite fait bien fait sur la création de sa société qui a fait un flop, NeXT, et rien sur Pixar. C’est bête car cette partie-là est très intéressante. On ressent bien le côté « guerre avec IBM », mais on ne voit pas Bill Gates, alors que celui-ci a été très présent dans la vie de Jobs, cette relation oscillant toujours entre confrontation et respect mutuel. Mais je n’ai pas encore parlé d’Aston Kutcher : si on laisse de côté la ressemblance physique, il joue vraiment bien. Sa démarche bringuebalante, ses yeux d’acier et son ton faussement serein qui annonce l’orage, toutes les petites manies qui font la personnalité de Jobs sont agréablement retransmises à l’écran.

Le résultat final, un peu tiède

Tout ce que l’on retient est « dommage », dommage car la vie de Steve Jobs est tellement intéressante ! C’était un homme aux multiples facettes, et le réalisateur n’a pris la peine de montrer peut-être un peu plus de Jobs : ses autres enfants, sa maladie, le discours de Stanford, ou plus généralement l’immense succès d’Apple. Ce dernier point chagrine vraiment les fans de la première heure : on aurait aimé voir quelques morceaux du retour triomphant de Jobs en tant que CEO (ou I-CEO, PDG par intérim… ;) ). En tant que spectateur, on conçoit qu’une vie aussi remplie que celle d’un innovateur de cette trempe ne puisse pas remplir toutes les espérances ; cependant, quelques longueurs évitées et des scènes administratives retirées, et le tour est joué… Le problème avec ce film, c’est que tout le monde s’attendait à un nouveau Social Network, en mieux, alors forcément ça déçoit. Mais ne soyons pas trop dur avec Jobs : malgré quelques faiblesses, cela reste un bon film joué par un bon acteur, qui fait ressentir de manière assez juste le tempérament incroyable du CEO d’Apple. Un seul conseil : prenez le temps de bien regarder. Vous y verrez le « champ de distorsion de la réalité » (cf. biographie) de Steve Jobs, une manière qu’il avait d’embarquer les gens dans ses projets irréalisables, mais qui les faisait s’accomplir.

Pour conclure, Jobs n’est pas un film extraordinaire, et on est assez déçus en sortant du cinéma (surtout la fin), mais ce n’est pas un film nul non plus. Un peu moyen, un peu tiédasse, Jobs aurait peut-être dû s’appeler « Apple », tant la société est plus présente que la vie complexe de son génial inventeur.
Pandaru
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le 11 sept. 2013

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