Après le Quichotte de Terry Gilliam, dont Lost in La Mancha retraçait le désastre, voici, sur le même principe, un documentaire à propos du naufrage regrettable d'un projet d'une ampleur sans précédent : le Dune d'Alejandro Jodorowsky. L'intéressé retrace le parcours incroyable qui l'a amené à ébaucher un projet fou d'adaptation des livres de Franck Herbert, avec une distribution éblouissante convaincue à coup de promesses mirobolantes et parfois farfelues : Dali, qui voulait être l'acteur le mieux payé du monde (100.000 dollars la minute, du temps où le timbre poste ne coûtait pas 1 franc) et a imposé Amanda Lear dans un petit rôle, ou Orson Welles, qui requérait l'embauche d'un chef multiétoilé pour ses repas d'ogre. Une entreprise délirante, menée tambours battants dans un maelstrom de créativité débridée. C'était une autre époque, avide d'expériences extrêmes, où tout restait à découvrir. Et puis Hollywood a tué le rêve. Trop risqué, trop transgressif, trop débridé. Et là, le regard de Jodorowsky se durcit d'une façon inoubliable. L’hurluberlu généralement jovial mesure la grandeur du crime qui vient de se perpétrer; lui qui avait investi deux ans de la vie de son jeune fils dans un apprentissage implacable pour qu'il puisse incarner Paul Atréide à la perfection, parce qu'il ne concevait aucune frontière entre la création et la vraie vie. Une jolie leçon au goût bien amer.