Ce n'est pas juste un film... C'est le putain de film... de John Wick...

Où est passé le film d'action ? Tandis que les gloires d'antan cachetonnent dans des suites de leurs saga phares (Terminator Genysis pour Schwarzy, Star Wars pour Harisson Ford...) où qu'elles jouent la carte du nostalgique à outrance et n'inventent plus rien (Expendables pour Stallone...), le cinéma contemporain se cantonne au cinéma de genre adapté au grand public (World War Z...) où au blockbuster super héroïque. Le public ne veut-il plus de personnage mutique tataneur où de badass qui déglingue du gangster à tour de bras par centaines ? Il fait croire que c'est de mauvais goût et que les one liners de super héros sont plus crédibles... Mais survient Keanu Reeves : en voilà une gloire d'antan. A jamais le Néo de Matrix, il n'a eu de cesse de s'inventer, se réinventer, s'essayer à tout rôles, toutes nuances de jeu (Man of Tai Chi, The Neon Demon, Johnny Mnemonic, Point Break...) sans oublier ses premiers amours. La philosophie orientale, la présence physique, la vraie baston : pas besoin de fond vert où d'effets spéciaux, Keanu a toujours mis un point d'orgue à assurer lui même ses cascades, à défoncer des mâchoires pour de vrai, tel un Tom Cruise survitaminé aux films de Bruce Lee. Ressort de ses films d'actions une énergie, une viscéralité presque rafraîchissante à l'heure du tout numérique d'aujourd'hui. Coqueluche des amoureux du cinéma à l'ancienne pour les uns, acteurs minables pour d'autres, Reeves est le vecteur de fantasmes de films de baston secs, comme son compères plus bourrin Jason Statham. (assez) Grand brun sombre, portant très bien la barbe et le costard, il semble avoir oublier de vieillir et reste un adulte dans la force de l'âge, tel l'éternel Rober Downey Junior. L'air de rien, Keanu Reeves, c'est beaucoup d'acteurs et personne en même temps : un rêve de réalisateur, discret mais présent, effacé mais bouffant tout le cadre. Un fantasme vivant du cinéma d'action à l'ancienne, mis au service du décérébré John Wick 2
John Wick premier du nom. Où l'histoire d'un ancien mercenaire un peu trop possessif, parti en croisade vengeresse affronter une armada de gangsters au nom de... son chien, dernier souvenir de sa défunte épouse, tué par de minables voleurs. Le premier chapitre jouait de son postulat stupide et nous livrait un morceau d'action énervé, profondément assumé jusqu'à l'auto parodie. Au final, le film est grotesque mais jamais comique, fortement hilarant et tenacement sombre. Jamais il ne délivrait, au terme d'un scène pivot, les clés de son personnage principal traumatisé, de son univers particulier où de son alchimie qui en faisait un plaisir coupable unique, esthétisé, léché, brillamment interprété. Coup de bol ?
Avec John Wick 2, le réalisateur Chad Sthaleski (j'espère écrire correctement) enfonce le clou et prouve que non. Suffit d'être un génie. Bah ouais.
Raconter le début du film serait gâcher le plaisir qu'est l'introduction de ce nouvel opus. Il suffit de savoir qu'un brouillard de colère flotte toujours sur la vie de Wick, contraint de retourner tuer, encore. A jamais. Aussi stupide que dramatique, le scénario dessine habilement les contours d'une société secrète vertigineuse, d'ampleur mondiale, et l'oppose à l'increvable John. Envers et contre tout, le revoilà parti pour une nouvelle boucherie. Le film n'a de cesse d'étonner : comme usant d'une magie redoutable, il rend concret et palpable les menaces les plus ridicules, les situations les plus tordues. On ne décroches pas une seconde du chaos de cohérence qu'est John Wick 2. Cette lettre d'amour au refus du bon goût est aussi une provocation : toujours plus loin, toujours plus con. Plus assumé que jamais. Crédible et crétin.
L'intérêt de cette suite se situe dans son budget plus conséquent : désormais en pleine possession de ses moyens, Sthaleski s'offre une merveille d'esthétique et de réalisation. Les chorégraphies sont démentielles, les éclairages somptueux. Pour un concentré de ridicule, le film a une sacré classe et s'offre même des audaces de réalisation : Wick recharge, le temps s'arrête, la caméra ralentit et un mouvement brusque accompagne son retour dans l'action en remettant les ennemis dans le champ. Sa silhouette découpe les nappes de fumées et les lumières hallucinatoires de chaque décor : il est sur iconisé, rendu invincible par une mise en scène toute puissante.
En opposant la forme, celle d'un film d'action malade et ridicule à son fond torturé et son background fouillé, le métrage s'offre une dimension méta. Un film, c'est un acte de voyeurisme, un régal pour les spectateurs qui consiste à regarder le personnage se débattre parmi les obstacles que dresse le récit devant lui. Le combat de Wick est aussi éprouvant que déchirant : noyé dans une spirale de violence (où peut être s'y jette-t-il lui même ?), il est le jouet d'un film qui VOUS divertit. Un film où un brave type qui veut juste vivre en paix avec son chien est rendu immortel, subissant toujours plus de désillusions et de défaites pour le régal d'un spectateur qui rit des gunfights hilarantes d'inventivité (noyé dans la foule, Wick tire discrètement sur son ennemis en hauteur qui lui rend les coups, sans que personne le voit). Aussi cruel que généreux, John Wick 2 suscite des émotions contraires : il ne veut pas faire rire, il veut imposer son personnage comme celui d'un tragédie. Une tragédie qui résonne comme une mauvaise blague, un humour noir over the top. Wick n'a jamais voulu être le héros, il n'a rien pour (il ne parle presque pas, ne défend aucune valeur, n'a aucun ami...). Mais le film est sa malédiction. Il se dresse entre lui et la paix de son âme, comme un futur tragique, comme un affrontement presque divin entre l'homme et son destin.
Trésor de contradictions, John Wick 2 fait montre d'une maîtrise inouïe sur le fond et la forme sans jamais intellectualiser et n'oublie jamais d'amuser son public. Sa fin ouverte, tendue (où poilante, c'est selon vous) présage d'un troisième opus toujours plus malade, avec un héros toujours plus increvable. Pour un plaisir toujours plus grand.

JeVendsDuSavon
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le 22 févr. 2017

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