Nicholas Ray est - à n'en point douter - un grand cinéaste : son Johnny Guitar est un objet cinématographique à part entière, qui s'inscrit naturellement dans le genre et les codes du western américain en même temps qu'il exacerbe les passions et les sentiments de ses personnages à la manière d'un édifiant mélodrame. Une fable paroxystique qui, à l'instar des meilleurs films de Sam Fuller, pose un regard frontal et sans fioritures sur la violence des rapports humains.


Tout semble, dès les premières séquences, économe et manifeste dans le même mouvement de simplicité virtuose : un ranch habité par une tenancière portant altièrement la culotte, une faune masculine veule et falote, des conflits d'intérêts portant sur ledit terrain et un vrai-faux héros proche du gigolo flegmatique. En ce sens les 20 premières minutes, large exposition du contexte et des figures dépeintes, sont exemplaires de richesse et de concision mêlées.


On pense à la férocité psychologique et aux récits tortueux des pièces du dramaturge Tennessee Williams au regard de Johnny Guitar : convoitise, désir, figure féminine indépendante, amours transis, violence... Il y a quelque chose de purement métaphysique dans le film de Ray, une sorte de fatalité magnifiquement suggérée par la symbolique des décors, des couleurs et des costumes ; par ailleurs la beauté resplendissante du Technicolor transforme les plans en d'étranges et mémorables tableaux surréels, à la frontière du fantasmagorique...


Le film est donc d'une brillance technique à la fois modeste et indiscutable, pas toujours exempt de lourdeurs et de manichéisme mais bénéficiant en outre d'une musique en parfaite adéquation avec l'émotion développée au travers du couple formé par Joan Crawford et Sterling Hayden. Un grand et beau western, qui parvient admirablement à dépasser son genre et son sujet.

stebbins
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le 24 mai 2019

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