Is it just me, or is it getting crazier out there?


Tiraillé entre sa réputation d'œuvre toxique et irresponsable et son ovation de huit minutes lors du dernier Festival du Film de Venise, l’origin story consacrée au nemesis de Batman est arrivée dans nos salles comme une bombe, un cocktail enragé supposé confronter les morales et éteindre les rires. Nageant dans la douleur et la nicotine, le film de Todd Phillips trouve en vérité toute sa puissance dans l’interprétation hypnotique de Joaquin Phoenix, irréprochable comme à son habitude (sinon plus encore). Plus saisissant que jamais, le comédien fait du personnage brimé et maltraité d’Arthur Fleck un cauchemar tragicomique, un comédien raté dérangé, pitoyable, dévoré par un Gotham pourri dans lequel son rire grinçant et malade sonne comme le dernier réflexe névralgique de l’âme face à la noirceur de la réalité.


S'il convoque “The King of Comedy” et “Taxi Driver” de Scorsese dans sa quête intime d’une justice et le lâcher-prise total de ses esprits tourmentés, “Joker” rappelle également “Network” de Sidney Lumet dans son attaque frontale d’un système médiatique narcissique et sensationnaliste, qui se moque du marginal et le ratatine en le caricaturant bouffon. La lente descente des marches de la folie du plus triste des clowns s’achèvera dans le sang. Face au manque suicidaire d’attention de cette société nait la mythologie du Joker : un agent du chaos à la silhouette de messie pour les opprimés et oubliés, en quête de révolution en ces temps incertains. Le décalage, jusqu’au glissement. Peu subtil, mais pourtant fracassant.


Incendiaire, “Joker” retentit comme une onde de choc, la prestation de Phoenix comme un séisme. De l’homme ou du système, qui est le plus fou ? Aucune réponse ici, si ce n’est ce constat, glaçant : que tout est noir dans un monde sans raison qui a oublié comment rire, et peut-être même comment vivre.

Peachfuzz
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2019

Créée

le 10 mai 2020

Critique lue 144 fois

3 j'aime

Peachfuzz

Écrit par

Critique lue 144 fois

3

D'autres avis sur Joker

Joker
Samu-L
7

Renouvelle Hollywood?

Le succès incroyable de Joker au box office ne va pas sans une certaine ironie pour un film qui s'inspire tant du Nouvel Hollywood. Le Nouvel Hollywood, c'est cette période du cinéma américain ou...

le 8 oct. 2019

235 j'aime

12

Joker
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] J'irai loler sur vos tombes

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorables à un système de notation. Seule la...

le 11 oct. 2019

223 j'aime

41

Joker
Therru_babayaga
3

There is no punchline

Film sur-médiatisé à cause des menaces potentielles de fusillades aux États-Unis, déjà hissé au rang de chef-d'oeuvre par beaucoup en se basant sur ses premières bandes-annonces, récompensé comme...

le 2 oct. 2019

194 j'aime

123

Du même critique

Licorice Pizza
Peachfuzz
9

Once Upon a Time in San Fernando

Dès les premiers plans de "Licorice Pizza", les contours d'Alana Haim, le golden haze californien, l'OST tonitruante et le bitume brûlant nous téléportent dans un des rares espaces-temps où l'espoir...

le 14 déc. 2021

30 j'aime

Roma
Peachfuzz
9

La vie, la vraie.

Absolument somptueux, le Roma d’Alfonso Cuarón aura survolé le dernier ZFF, voire même cette année en deux vastes heures d’un spectacle infiniment beau; celui de la vie. Le noir et blanc chatoyant du...

le 5 oct. 2018

25 j'aime

2

Wildlife : Une saison ardente
Peachfuzz
7

This is America.

Après nous avoir emballés au fil de ses performances d’acteur (Little Miss Sunshine, There Will Be Blood, Prisoners, Swiss Army Man), Paul Dano présentait son premier film à la Quinzaine des...

le 5 oct. 2018

18 j'aime