L'univers de DC Comics, et plus particulièrement celui de Batman, semble être une source d'inspiration potentiellement inépuisable, notamment eu égard aux nombreux personnages qui peuplent la mythologie.
Il n'empêche que peu de films ont pris la peine de s'attarder sur les "seconds couteaux" de la franchise.
Malgré tout, le Joker n'en reste pas moins un des personnages les plus emblématiques et intéressants de DC Comics. Déjà magistralement interprété en 89 par un Jack Nicholson qui n'avait pas eu à forcer son talent, Heath Ledger avait, 20 ans plus tard, également incarné ce personnage de manière remarquable (quoique dans un style très différent), ce qui lui avait valu un Golden Globe et un Oscar à titre posthume.


Que ce soit dit, on ne va pas vraiment voir Joker comme on irait voir un Batman ou plus généralement un film de super-héros.
Le film de Todd Philipps s'intéresse à la genèse du plus dérangé des supervillain de DC.
Prenant place au début des années 80 (l'univers de Batman a toujours été plus ou moins "trimbalé" dans différentes époques), on retrouve Arthur Fleck, un pauvre type qui tente laborieusement de subvenir aux besoins du foyer qu'il partage avec sa mère. Il travaille en tant que clown, tantôt pour des opérations de publicité, tantôt à essayer de faire rire les enfants malades d'un hôpital...mais il faut bien reconnaître qu'il n'amuse pas grand monde...
Cette vie de misère ne se traduit pas que par un travail pathétique ou le cadre de vie pour le moins crasseux qu'est Gotham City, elle est également marquée par une profonde détresse sociale.
En ce sens, Joker est un film assez dur sur ce que peut être la déchéance d'un homme à qui rien n'aura été épargné (père inconnu, handicap, solitude, pauvreté, agressions à répétition...). Et c'est précisément sur ce parcours de vie très lourd que s'attarde Todd Philipps afin de mettre en lumière ce qui amènera Arthur a devenir un des pires criminels du pays.


Les personnages de DC Comics -et notamment ceux de l'univers Batman- voient leur "biographie" connaitre un certain nombre de déclinaisons différentes en fonction de l'auteur ou du réalisateur qui les dépeint.
Sur ce point, les choix scénaristiques de Joker sont plutôt cohérents, bien qu'un peu convenus, mais il est probable qu'ils feront débat chez les die-hard fans de la franchise. Ce n'est malgré tout pas là-dessus qu'on ira chercher Todd Philipps.
Non là, où le bât blesse, c'est que réalisateur peine à rendre palpable le basculement progressif de Arthur vers celui qui va devenir le Joker. Evidemment, on comprend ce qui va mener notre homme vers le point de non retour, mais la tension fait défaut et le film donne l'impression de ne jamais passer à la vitesse supérieure. Cette incapacité à décoller s'explique en partie par le manque d'intensité dramatique dans les moments clés, à l'image par exemple, de la fameuse scène du plateau TV où la confrontation entre Phoenix et De Niro ne tient pas ses promesses, la faute à un échange qui manque de consistance, ou plus simplement de génie.
Et si la performance de Joaquin Phoenix mérite d'être saluée, notamment eu égard à la singularité du personnage qu'il interprète, elle ne suffit pas à faire de Joker un chef-d'oeuvre pour autant.


En conservant l'approche "réaliste" voulue par Nolan dans sa trilogie Dark Knight, Todd Phillips nous offre un film très humain qui dépeint plus un homme d'une tristesse infinie que le psychopathe loufoque qu'il deviendra plus tard.
Au-delà, Joker est aussi un film qui parle d'une société qui va mal, profondément divisée et au bord de l'implosion, une société qui ressemble finalement beaucoup à la notre.


Todd Phillips n'avait jusqu'ici que peu (pas?) de films marquant à son actif. Avec Joker, il pourrait bien intégrer la catégorie des réalisateurs "qui comptent".
On regrettera néanmoins qu'il ne soit pas parvenu à rendre son récit réellement palpitant et qu'il n'ait pas su provoquer ce petit quelque chose qui vous donne la chaire de poule ou qui vous colle un frisson. Ce petit quelque chose qui fait la différence entre les grands films et ceux qui sont "juste" bons...

billyjoe
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le 17 oct. 2019

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Billy Joe

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