Comment Arthur Fleck va devenir le Joker.
Voilà résumé en six mots le film de Todd Philips, qui enflamme les Internets, provoque des scènes de paniques dans les salles américaines, qui a gagné le convoité Lion d'or à Venise, qui a fait jaser sur le nom de son réalisateur, mais au final qu'en est-il ?
Alors la réponse est, comme dirait Julien ; un grand OUI !
Je n'hésite pas à parler de ce film comme d'un miracle comme s'il était échappé d'un espace-temps, et qu'on l'a retrouvé dans un grenier pour le sortir en 2019. On dirait un vestige des 70's, bien que ça se passe dans les années 1980, et où il y a une radicalité dans un film connoté super-héros (bien qu'il n'en soit pas, mais c'est labellisé DC Comics) que je n'ai jamais vu.
Tout le film suinte la noirceur, je dirais même la pourriture de cette ville, Gotham City, gangrénée par la criminalité en hausse, où l'écart entre les riches et les pauvres ne fait que s'accroitre, et Arthur Fleck est clairement montré comme une victime. Au départ, il est un clown ambulant qui se fait voler sa pancarte, et est tabassé, et il est montré du doigt comme différent, à cause de aspect émacié, et de son étrange maladie qui lui donne l'occasion d'éclater de rire de manière incontrôlée. Il vit dans le rêve de devenir comédien de stand-up, et sa seule distraction est de voir une émission quotidienne type Jay Leno, présentée par Robert De Niro.
Je ne veux pas trop en dire plus au niveau de l'histoire, mais je trouve ça très habile, aussi bien dans les idées de mise en scène (scène formidable où on voit Arthur Fleck de dos, où on dirait qu'on monstre va jaillir de ses entrailles), que la représentation du personnage, qui va donc devenir le Joker, c'est dans le titre, où Joaquin Phoenix est extraordinaire.
Ce qui fait pulvérise les autres interprétations du Joker, car il n'a pas d'artifice comme feu-Heath Ledger, il serait parfaitement crédible en typer déguisé en clown qui abattrait des gens dans la rue. Il n'a aucun pouvoir, sauf entre guillemets ce fameux rire impromptu, mais l'acteur semble puiser au fond de ses tripes, comme on le voit dans son corps décharné.
Il y a une parfaite justification de l'interdiction aux moins de 12 ans, car c'est très souvent amoral, limite malsain, car Arthur Fleck devient de plus en plus imprévisible, en va basculer de plus en plus dans la folie. Au fond, c'est assez peu sanglant, mais le personnage n'est pas du genre fréquentable, et plus le film avance, plus il va vers...
Quant à la mise en scène de Todd Philips, si elle est très très très inspirée de Taxi Driver, La valse des pantins, Network ou Maniac, la caméra est toujours là où elle doit être, sans justifier outre mesure la violence, explicitée par des ellipses où, en un détail, on comprend. D'ailleurs, félicitations aux décorateurs où tout à l'image a l'air d'être dégueulasse, il ne doit pas y avoir un endroit un tant soit peu propre.
Au départ, peut-être un peu trop chargé de références qui semblent clignoter à l'écran, j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, mais au fur et à mesure qu'on descend, c'est le cas de le dire, j'ai été bluffé par cette radicalité qu'on ne voit plus comme ça dans un film de Major.
Au niveau des reproches, si j'en ai un gros à formuler, c'est la musique, qui doit durer 1h50 sur les deux heures de film, et peut-être est-elle un peu trop explicative sur ce qu'on doit ressentir à l'écran. Du coup, je préfère les quelques chansons, dont celle illustrant l'affiche du film, où Joker descend des escaliers en dansant.
Je ne dirais pas non que c'est révolutionnaire, on a déjà vu ce basculement dans des films comme Schizophrenia, mais dans un film vendu par Warner et Dc, ça semble comme une fantastique conclusion aux film de super-héros, disons aseptisés, et pourvu qu'il n'y ait pas une suite !