Todd Phillips est un drôle de personnage...Après être passé par la comédie hollywoodienne trash, il s’attaque à l’adaptation de la vie d’Arthur Fleck mieux connu sous le nom de « Joker ».
Je ne sais pas trop quoi penser de ce long-métrage. Il n’est ni mauvais ni extraordinaire, il se place dans un entre deux où la performance démente de Phœnix vient s’opposer au crucial manque d’originalité de mise en scène de son réalisateur. Dès les premières scènes, on comprend la déclaration d’amour visuelle à Scorsese et à ses films « Taxi Driver » et « La danse des pantins ». Par la suite, on retrouve des images et un montage similaire à ceux de Nolan ou du Michael Mann mais pas une seconde ne passe sans qu’on ne se demande si Todd Philips possède une quelconque originalité.
Passons la critique négative. Le film est très bon, il exploite parfaitement son sujet et lui offre une dimension chaotique et violente. Les couleurs, la musique et l’espace sont parfaitement utilisés, on nage dans une destruction sociale fascinante où le seul moyen de victoire est un uppercut en pleine face habité par un rire démoniaque. De fils en aiguilles, le film devient de plus en plus oppressant, les personnages se transforment et la ville de Gotham suit ce changement avec une grande beauté visuelle. C’est un film sur l’humiliation, sur la déchirure sociale vécue à travers les yeux des plus faibles. Face à cette injustice, nulle besoin de masque, un simple maquillage bon marché fait l’affaire.
Comment évoquer le film sans parler de Joaquin Phœnix. Il est clair que je ne suis absolument pas objectif. Cet acteur est pour moi, depuis de nombreuses années, le meilleur acteur de notre génération. Dans « Joker », Phœnix apparaît comme métamorphosé, le corps amaigri et le visage pâle, il développe son personnage avec une intense puissance. Ce qu’on retiendra de plus frappant restera son rire…Depuis la prestation de l’acteur dans l’excellent « The Master », j’attendais qu’un metteur en scène lui offre la chance d’exploiter une nouvelle fois un personnage fou et dérangeant. Avec « Joker » je suis royalement servi. La folie du méchant le plus connu de l’univers de la bande-dessiné ne s’exprime pas par ses mots mais par ses yeux. Phoenix noie son désir de violence dans un regard sombre et fourbe qui nous glace le sang.
En conclusion, « Joker » est un film qui laisse perplexe de par ses défauts, mal en point de par son réalisme et envoutant grâce au bon moment de cinéma qu’il offre à ses spectateur.