Joker, c'est un portrait déroutant d'un personnage irrévérencieux, ignoble, et pourtant fascinant. Au coeur d'une société qui se veut bien-pensante, il est l'étincelle qui déclenche une vague déferlant sur le conformisme. Joaquin Phoenix est éblouissant dans ce rôle où il éclate de rire, danse à corps perdu et se complaît dans une violence débridée, sans jamais tomber dans l'excès ni dans les faux-semblants. Le scénario, a priori classique, surprend en proposant une version réaliste, presque banale, du archi grand méchant de DC Comics - qui n'est autre qu'un archi psychopathe schizophrène toqué dans la "vraie" vie. La réalisation est léchée, dans les choix de plans, de couleurs et de décors (par exemple l'hôpital glauque à souhait propre à Gotham City), ainsi que dans la musique qui passe allégrement de titres dansants à des séquences sombres et épiques. Le spectateur n'échappera pas aux humeurs du protagoniste, passant du rire aux larmes d'une séquence à l'autre, de l'admiration au dégoût. Les thématiques abordées, au-delà du rapport à l'Autre, la part sombre de chaque individu, sont celles du processus de montée au pouvoir d'un être fou, poussé par une foule revendicatrice dans un contexte politique et économique dégradé. Sans doute l'un des meilleurs films de cette fin de décennie, qui réconciliera tout un cinéaste à l'univers des comics.