Peu emballé par la bande-annonce et par le risque de redite autour de ce personnage maintes fois abordé, je me suis laissé convaincre par les retours positifs. Et je vous encourage à faire de même car Joker est un véritable bon film, bien loin des divertissements popcorn (gavant) dont le genre déborde. Le soin apporté à la réalisation comme à la photographie est un plaisir constant, autant dans la magnifique reconstitution d'une Gotham crasseuse et atemporelle (ça brasse des 50's à nos jours) que dans une mise en scène pleine de sens (l'entrée dans l'hôpital par la porte de sortie = perfection).


Il est évidemment impossible de faire l'impasse sur la performance remarquable d'Albert Dupont... heu pardon de Joaquin Phoenix, dont la réussite est à la hauteur de ce pari particulièrement casse-gueule. Il parvient à donner incarnation d'une manière originale, quel exploit, à son proto-Joker, tout en jeu de corps, de visage et de regard, dans une pantomime fascinante qui prolonge cette capacité à rendre la souffrance du fou-rire (très bonne idée d'ailleurs que cette approche pathologique de l'hilarité). Phoenix est aussi crédible en louseur effondré et claudiquant qu'en psychopathe gracieux et décomplexé. Le nerf du film reposait sur ses épaules qu'il démontre d'une solidité épatante. Son aura va jusqu'à contaminer De Niro qui retrouve des compétences d'acteur (encore un exploit !) et rendre presque sexy le caméo de Bernadette Chirac.


Joker a également le bon goût de garder la juste distance avec ses origines Comic Books, puisant la matière intéressante pour accompagner une réflexion humaine et sociale qui pourrait en être indépendante. De nombreux thèmes sont ainsi brassés, sans pour autant paraitre disparates, de la stigmatisation de la maladie mentale et du processus personnel d'effritement narcissique et de rejet qui amène à la violence contre soit (le suicide plane sans cesse sur le film) avant qu'elle ne trouve finalement solution dans la violence contre les autres (la seule à même de lui donner une visibilité et donc une reconnaissance de son existence), processus qui trouve écho dans le champs social avec le mépris de classe faisant le lit des révoltes populaires... dont le mal-être s'incarne dans un fou dangereux porté au pinacle. Grâce à ce dernier point, Joker évite avec brio le piège de la prise de position et de la glorification d'un tel personnage ; en effet, y'a-t-il véritablement un bon choix de société entre la Gotham en putréfaction ou celle en flammes ?


Je retiendrais 2 légères critiques, histoire de ne pas être dans la pure dithyrambe : une explication inutilement trop appuyée de sa relation à sa voisine et une dernière séquence superfétatoire. Que dalle, donc.

Créée

le 15 oct. 2019

Critique lue 264 fois

1 j'aime

Critique lue 264 fois

1

D'autres avis sur Joker

Joker
Samu-L
7

Renouvelle Hollywood?

Le succès incroyable de Joker au box office ne va pas sans une certaine ironie pour un film qui s'inspire tant du Nouvel Hollywood. Le Nouvel Hollywood, c'est cette période du cinéma américain ou...

le 8 oct. 2019

235 j'aime

12

Joker
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] J'irai loler sur vos tombes

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorables à un système de notation. Seule la...

le 11 oct. 2019

223 j'aime

41

Joker
Therru_babayaga
3

There is no punchline

Film sur-médiatisé à cause des menaces potentielles de fusillades aux États-Unis, déjà hissé au rang de chef-d'oeuvre par beaucoup en se basant sur ses premières bandes-annonces, récompensé comme...

le 2 oct. 2019

194 j'aime

123

Du même critique

Miraculous - Le film
Pascoul_Relléguic
4

Critique de Miraculous - Le film par Pascoul Relléguic

Découvert avec ma fille en avant-première, le film s'avère rapidement déroutant avant de virer au décevant pour qui connait un tant soit peu la série originale : Miraculous the movie est en fait plus...

le 14 juin 2023

13 j'aime

The Dead Don't Die
Pascoul_Relléguic
2

Quand l'hommage vire à l'escroquerie

Au début, j'ai trouvé le film gentiment intrigant ; par la suite, j'ai ressenti ça comme sans intérêt ; à la fin, j'ai conclu à une détestable escroquerie. Jarmusch s'est contenté de fragmenter toute...

le 14 mai 2019

11 j'aime

Undone
Pascoul_Relléguic
9

La folie est parfois la meilleure manière de s'adapter à la réalité

Undone ne fait pas les grands titres et c'est bien dommage car voilà une série qui le mérite. Alma est meurtrie par la mort de son père durant son enfance et elle tente de se construire en tant...

le 19 avr. 2020

8 j'aime