Un cri dans l'ombre, ou comment Joker peut tout faire basculer.

Joker est déjà auréolé de nombreux superlatifs. Chef d'oeuvre, incroyable, polémiques sur polémiques, succès international assez immense pour une origin story à la 70's, Joker, Joker, Joker, tout le monde en a pour Joker depuis ce début d'octobre...
Mais alors après discussion, débats, et vraiment beaucoup de blabla, j'ai décidé de sortir de mon cafard, et de sortir ma plume en tant que cinéphile veut montrer sa gueule, parce que moi aussi je veux une critique populaire sur Senscritique ! Moi aussi je veux être influent !
Alors que le cinéma américain grand public se meurt dans des adaptations de plus en plus inquiétantes de super- héros et où les grands cinéastes et auteurs n'arrivent même plus à financer leurs projets autrement que sur des plateformes de streaming, Joker arrive parfaitement au bon endroit au bon moment.
Todd Philips, réalisateur de comédies fasciné par le désordre et le chaos de manière générale (on se souvient du sommet de sa carrière, un certain Very Bad Trip, comédie culte à souhait), a donc réussi son pari, de lancer un film unique à Joker, avec Joaquin Phoenix dans le rôle- titre. Un projet très alléchant dont tout le monde parlait depuis des lustres, et qui s'est concrétisé dans un blockbuster d'auteur en reprenant les couleurs et l'atmosphère des 70's, âge d'or du Nouvel Hollywood, où les artistes avaient pris la main sur les producteurs le temps d'une décennie.


Joker est, quoi qu'il en soit, une grande réussite. Un bon film avec une très bonne lumière, un scénario pas mal, et une interprétation dantesque de Joaquin Phoenix, qui est incroyable d'intensité. Les décors mais aussi l'ambiance du film ajoutent un vrai cachet de désespoir au film, très noir et très dur dans son propos. Joker est un film- hommage à toute cette période, en surlignant tout son message noir avec les films de Scorsese de cette époque (on pense évidemment à Taxi Driver et à la Valse des Pantins).


Warner, après avoir essayé à tout pris d'avoir son MCU, a enfin lancer un pari gagnant : donner les clefs de son univers à certains réalisateurs, pour tenter d'avoir des films un peu subversifs, un peu novateurs, un peu tout voilà quoi. Et c'est là où, en analysant vraiment le film, on comprend un peu pourquoi on a un sentiment de malaise devant tout ces journaux et ces personnes qui mettent ce film comme "le plus grand film de cette décennie".
Pour ma part, c'est un petit film immersif et d'atmosphère, plusieurs points clochent. Le rythme est assez décousu, et malheureusement malgré une performance digne d'un Brando dans ses plus grandes heures, tout se concentrer sur le Joker n'était pas forcément une très bonne idée. Car Joker n'existe pas sans Batman, et c'est vrai qu'il manque cruellement dans le film. Il y a de très bonnes idées, mais Joker ne fait que recycler une nouvelle fois la touche des films d'auteurs ricains du Nouvel Hollywood, mais a du mal à avoir sa propre identité, naviguant entre un film radical, et une origin story qui fait du surplace durant une bonne partie du récit.
De même que le propos se veut être une rebellion anti- capitaliste, mais a du mal à s'élever au niveau d'une certaine Valse des pantins, de Main Streets, ou d'un Taxi Driver, l'influence la plus prégnante du film. Bien que l'ironie du sort soit un De Niro transparent en magnat/ présentateur de la télévision alors qu'il jouait le rôle de l'outsider (en sorte celui du Joker) dans la Valse des Pantins 35 ans auparavant, Joaquin Phoenix met en place un personnage torturé, malade, qui va tomber dans la folie la plus totale, et c'est vrai que sa composition est incroyable en tous points.
Mais les seconds rôles sont trop faibles ou pas assez mis en avant, et le rythme souffre en tous points de nombreuses ruptures qui font tâche, à tel point que l'on a envie de voir plus Joker souffrir ou taper des gens que voir une vrai intrigue.
De même que le scénario, bien ficelé, traîne un peu en longueur et a du mal à finir son intrigue, si bien qu'il y a des passages entiers où on s'ennuit ferme.


Joker tente alors d'être un film hérité du Nouvel Hollywood, sombre, réel, rebelle dans l'âme, et subversif au possible, un thriller dramatique et psychologique qui voudrait enfin transmettre sur grand écran le malaise de l'époque actuelle, entre une Amérique déchiré entre les pro et les anti- Trump, ou chez nous essayant d'être l'étendard d'une population délaissé comme le mouvement des Gilets jaunes.
Mais Joker n'arrive décidément pas à faire cet effet sur moi. Très bien marketé, très bien réalisé, très joli, un scénario assez basique mais qui se tient, Joker peut véritablement avec son succès bouger les lignes dans les grands studios, c'est certain.
Mais on est loin de la qualité d'un Taxi Driver, d'un American Beauty (ou même chez nous récemment les Misérables) pour traduire les maux politiques profonds de l'Amérique, même si l'hommage fonctionne. Un film faussement subversif qui tente d'être "indépendant", alors qu'il est un produit tout à fait conscient d'un système de super- héros à bout de souffle.
Vivement que Philips se remette aux comédies et que notre cher Joaquin Phoenix continue des films indépendant.

Mathieu_Renard
6
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le 8 févr. 2020

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Matt  Fox

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