Film monstre ? Ou monstre dans le film ? La première séquence de Joker, n'est pas moins qu'un simple plan où Joaquin Phoenix balaye 5 émotions avec un simple rire. Passant du narquois au dérangé, triste, enragé et inquiétant en une fraction de seconde, la patte de l'acteur est déjà là, on va assister a une performance. Qui doutais de cette union parfaite sauf mes quelques potes qui me demandent qui est ce Joaquim Phoenix (!!!) à chaque fois que je le cite comme étant l'un des acteurs les plus talentueux de sa génération.
All I have are negative thoughts.
Le problème étant, va t'on assister à un grand film ? La matière est là, et à toujours été là pour chacun s'attaquant au mythe du plus grand vilain tous comics confondus. Cette matière (noire) représentant les origines du Joker, car c'est bien de ça dont parle le film de Todd Phillips, risque-elle d'être étouffée par cet immense acteur ? La réponse arrive tout simplement à travers sa ville emblématique de Gotham City : froide, pluvieuse, sale sont des adjectifs que l'on connaissait pour la définir, mais qui n'avait jamais été porté à l'écran à ce niveau de réalisme en comparaison à notre société actuelle (de plus, avec d'inquiétantes Twin-Towers dans le plan) C'est bien plus qu'une ville où une chauve souris vole de temps en temps, c'est une vraie machine a broyer ses sujets. Sorte de parangon du capitalisme des années 80 ("les années fric") ou les coupes de budgets d'aides sociales sont brutales, la délinquance est à son plus haut et les inégalités sociales sont plus que jamais palpables. Jamais nous avons été aussi proche de cette cité destructrice, pourtant évoqué de nombreuses fois, mais jamais montrée et utilisée comme réelle matière afin de donner naissance à cet homme malade qu'est Arthur Fleck, le futur Joker.
I used to think that my life was a tragedy. But now I realize, it’s a comedy.
Difficile pourtant de passer directement après cette immense réussite que fut le Joker de Heath Ledger dans The Dark Knight (coucou Jared !) qui proposait une version plus aboutie du Joker dans sa violence. Le film se sert ici de manière très intelligente de ce fond social pour donner toute l'épaisseur à la mutation d'Arthur Fleck, qui à la recherche de son passé sombre peu a peu dans cette folie. Sorte de diamant brut attendant d'être taillé par cette ville et ce passé si brutal, donnant naissance au joyau que nous connaissons tous (je l'aurais tout de même revêtu de son traditionnel costume violet à la place du rouge) La schizophrénie de ce personnage ne s'arrête pas là. Il est troublant, presque dérangeant de voir le corps nu et quasiment difforme de Joaquim Phoenix danser dans l'ombre de son appartement (scènes de danses un poil rébarbatives, il faudra bien l'admettre) ou rire à contre temps d'une foule d'un Stand-Up ou au coin d'un escalier de Gotham. Du monde est dans le champs, mais personne ne s’aperçoit de sa présence, comme si il était transparent. Il n'a jamais été heureux et le devient uniquement à travers son personnage du Joker et le chaos qu'il engendre. On découvre un Arthur particulièrement fragile, apprenant a maîtriser peu a peu ses "super pouvoirs" en quête de ce bonheur dont il a toujours aspiré. Tout ce cynisme, ce goût de la mise en scène, cette cruauté est montrée a chaque fois qu'Arthur applique son maquillage de Clown par des scènes méticuleusement tournées où comment le Joker s'est lui même défini et façonné dans ce monde : il ne veut pas le Chaos contrairement a ce que l'on pourrait penser. Il n'est que le produit de cette ville, la résultante de cette société qui méprise ces laissés pour compte. Seule son envie d'exister aux yeux des autres se retrouve être le déclic inévitable dont Gotham City attendait pour se soulever.
Un immense acteur pour un immense personnage, tous deux au service d'un grand film.