Full de Joker et...perd

Joker
Quelques très beaux plans, une photo parfois riche et généreuse montrant des amorces et des flous qui sentent bon le cinéma des années 70. Un acteur au potentiel reconnu.
Pourtant « Joker » n’est pas un film abouti et encore moins un chef d’œuvre, loin de là.
Dans l’ensemble le film n’est jamais réellement tendu ou profond au point d’atteindre la poésie ou l’émotion pure. À force de vouloir mettre le Joker sous tension, et ce avant même d’introduire réellement le personnage le réalisateur grille ses cartouches très tôt n’arrive pas à faire évoluer son récit. Des cartouches d’ailleurs d’une banalité déconcertante.

Comment ne pas penser à Jack Nicholson dans « Vol au-dessus d’un nid de coucou » ou ‘Robert de Niro » dans Taxi Driver. Des personnages en lutte contre un ordre et une morale imposés par l’autorité d’une société qui semble plus malade que ceux qui y incarnent le mal. Dans « Joker » chaque scène constitue le chainon d’une succession de démonstration et d’explication de la chute progressive d’Arthur. C’est par trop entendu et déjà vu. Mais pourquoi pas? Cela marcherait s’il y avait eu un vrai travail sur le personnage et une mise en scène aboutie. Le héros est un clown!!!! Il faut de la folie, de la poésie et de la « chorégraphie ». Une chorégraphie du Joker et une chorégraphie de la caméra. Ici ça ne « match » pas. Les innombrables rires d’Arthur, les pas de danse ou les tours de magie, les scènes où il simule le show télévisé auquel il va participer…tous ces moments sont ratés, manque d’écriture et de travail artistique. Comme si le réalisateur comptait uniquement sur le jeu de l’acteur principal. Il n’y a pas eu un vrai travail sur les différents registres d’expression du clown Arthur. Du moins pas assez pour que le personnage soit réellement touchant et pourquoi pas sublime. Non ce joker n’atteint pas la grâce qui aurait réellement créé le trouble ou le vertige. C’est un peu comme si le travail ici consiste à se dire: on va faire un beau film. Un beau et magnifique contre-pied au genre « film de héros » et en plus on ira plus loin encore et on participera à des festivals type « Venise ». On va tous les surprendre, ce sera super!!!! Le problème c’est que trop de critiques se font avoir. Est-ce un manque de culture cinématographique? Une nouvelle génération de critiques par trop bercée par la médiocrité qu’ils en deviennent mous du regard? Je ne sais pas. Tout comme la « Forme de l’eau » de Del Toro un film n’est pas bon par ce qu’il semble beau! Parce qu’il semble différent dans son approche ou ses méthodes.

Dans ce film Joaquin Phoenix incarne le Joker. Finalement il est aussi le Joker, au sens du jeu de carte que Todd Phillips utilise sur toutes ses mises. Nous le savons tous on ne peut pas utiliser son joker à tous les coups. Il n’y en a en général qu’un seul dans un jeu de cartes. Todd doit encore apprendre à jouer au lieu de cela il fonde sa partie sur son Joker….Et il perd.