20 ans après la sortie du légendaire Jumanji premier du nom, SONY revisite le mythe du film tiré du livre (du même nom) de Chris Van Allsburg publié dans les années 80. Reboot ? Remake ? Suite ? Il y a beaucoup à dire alors c’est parti pour une looongue intro :


D’emblée on nous laisse naviguer dans le flou propre à cette mystérieuse boite de jeu. Trouvée « au hasard » elle fait sa première victime en 96 en adoptant la forme d’une cartouche de jeu vidéo, à l’époque plus populaires et excitants pour la jeunesse que le support jeu de société type « plateau ».


Et j’adore cette idée de base. On remet le vice au gout du jour et on nous propose un nouveau medium dans l’ère du temps comme axe centrale du récit. Je me suis donc positionné du côté du reboot, choix qui me semble le plus logique.


C’est en 2017 que, par un heureux hasard, un groupe de jeune gens… STOP.


On s’arrête un moment sur cette bande de jeune qui s’apprête à vivre une expérience incroyable et que je vais dorénavant affectueusement baptiser :


Le « Breakfast club 2017 ».


On a le « Nerd » comme il aime lui-même le rappeler, fan de jeux vidéo a n’en point douter par le bon milliard de références qu’on nous crache à la gueule à travers le décor de sa chambre,
la weirdo inadaptée sociale qui déteste tout et tout le monde,
le grand gaillard sportif, cool et populaire (quoiqu’un peu naze en cours)
et enfin la nana egocentrique, imbue d’elle-même et de son image qu’elle partage via insta, snap, skype et autres facebook.
Un groupe tout ce qu’il y a de plus classique, gimmick du teenage movie mais qui jouit d’une approche et d’un traitement très actuel, caricatural certes, mais véridique.


Donc le Breakfast club 2017, par un heureux hasard, se retrouve en détention et tombe sur le jeu qui est dans la pièce où se déroule la retenu parce que heu… Bah parce qu’il faut faire avancer l’intrigue. Ils branchent le jeu, choisissent un avatar et se font donc finalement absorber dans Jumanji. L’aventure commence !


Matérialisés dans le corps des avatars choisis, archétypaux, aux traits grossis interprétés par une nouvelle fournée d’acteurs dont les fantastiques Dwayne « The Rock » Johnson et Jack putain de Black qui (en VO tout du moins) nous livrent un acting aux petits oignons sans sombrer dans le surjeu !


On a donc le tank/bruiser bourrin CAC damage dealer, l’aventurière badass à la Lara Croft, le sidekick rigolo qui, au-delà de son rôle de comic relief, sert d’inventaire portatif. Et enfin le cartographe, grassouillet, érudit qui va guider la bande dans son périple.


On regarde donc des acteurs, jouer des acteurs, jouer des personnages de jeu vidéo.


On nous explique qui est qui, qu’est-ce qui se passe, comment les barres de vie et le HUD fonctionnent (notamment à travers un système de tatouage). Puis nos héros sont abordés par le premier PNJ qui leur explique l’intrigue grâce à ce qui est clairement explicité comme une cinématique. Il leur donne quelques objets de quêtes et, cette fois, l’aventure commence !


Cette seconde introduction nous immerge clairement dans le medium du jeu vidéo. Nous allons suivre des personnages avancer dans une aventure, une quête au sein d’un univers vidéo ludique régis par les règles de CE MEDIUM, donc logiquement plus du tout (ou presque) celles du film d’action aventure.


Et c’est malheureusement là qu’apparaissent les premières maladresses !


On nous montre parfois des scènes où le méchant très méchant fais des trucs de méchant et échafaude ses plans de méchant pour mettre des bâtons dans les roues de nos héros. Et ça ne fonctionne pas.
Si c’est une cinématique comme on nous l’a montré précédemment: nos personnages, qui cumulent également le statut de joueurs (comme c’est explicité dans les 2 intros), DOIVENT voir cette cinématique également et donc être au courant de ce qui va leur tomber sur le coin de la tronche.
Mais NON, cette scène obéit simplement aux codes de cinéma et non de jeu vidéo.


Dans le jeu vidéo, les ennemis ne vivent pas leur vie en vous attendant, ils sont une suite de lignes codes et d’algorithmes visant à réagir et intervenir quand le moment est venu. J’en veux pour preuve les autres PNJ du film qui répètent leurs lignes de dialogues jusqu’à ce qu’on leur donne la réponse qu’ils attendent.


Et c’est le premier gros problème. Le film enchaine ces erreurs, incohérences et maladresses en essayant de jongler d’un medium à un autre. Qu’il semble ne finalement pas si bien maitriser que cela…Un autre exemple est l’item de quête qui « glisse » de l’inventaire et que l’on ne peut récupérer qu’au prix d’une vie… c’est tricher ! Le jeu triche ! Ce n’est pas un jeu difficile, c’est un jeu injuste.


Le second problème qui, s’il avait été volontaire, aurait pu devenir une force d’autodérision est lié à la crise du « casual » que traversent, selon moi, les mondes du jeu vidéo et du cinéma.


Tout est calibré pour le plus grand nombre.


Le développement des personnages, du rapport à la personne et à l’avatar est prémâché puis vomi au cours de dialogues plats qui surviennent de manière pas très subtile. On ne titille pas vraiment l’esprit de réflexion et critique du spectateur, on lui donne toutes les clés, toutes les solutions. On ne veut pas le perdre, on ne veut pas qu’il se « prenne la tête ». On doit développer un temps de cerveau disponible pour toute la pub (SONY) qu’on lui balance à la gueule : portable, appareil de musique, casque, console de jeu PlayStation, exclus PS4 comme Uncharted 4… On est face à un pur produit marketing.


Un autre exemple pour illustrer mon point de vue : lors de l’aventure nos personnages se retrouvent dans un vieux campement au milieu de la jungle ou l’on voit, gravé sur un morceau de bois : « Alan Parrish was here » suivi d’une ligne de dialogue qui nous explique que le dénommé Alan (Robin Williams, héro du premier Jumanji pour les plus jeunes) était ici lorsqu'il etait lui aussi bloqué dans le jeu.
Ma théorie du reboot tombe donc à l’eau, on est face a une suite du premier opus et il devient donc inévitable de dresser des parallèles et comparaisons entre les deux films.


Dans Jumanji premier du nom Alan dit :



” You think that mosquitos, monkeys, and lions are bad? That is just the beginning. I've seen things you've only seen in your nightmares. Things you can't even imagine. Things you can't even see. There are things that hunt you in the night. Then something screams. Then you hear them eating, and you hope to God that you're not dessert. Afraid?
You don't even know what afraid is. You would not last five minutes without me.”



Le premier Jumanji nous apparaissait alors comme un jeu difficile, mystique, compliqué, effrayant qui peut s’avérer extrêmement punitif, conçu pour une poignée d’élite ou de gens persévérant a la manière d’un Darkest Dungeon, Dark Souls et autres Bloodborn.


A travers ces quelques lignes le personnage a su créer un véritable mystère autour du jeu. Quelque chose qui fascine et nous laisse imaginer et interpréter les choses les plus folles.


Tout cela est désamorcé dans le second film, on voit des choses banales, des risques et dangers connus sans la moindre once d’originalité. Jaguars, hippos, éléphants, moustiques, bikers à la Mad Max. Le mythe d’Alan et de ses aventures s’effondre pour laisser place à un univers léché, aseptisé ou quatre adolescents lambdas peuvent réussir sans trop de difficulté.
Comme la plupart des jeux triples A de nos jours. Comme la plupart des films (Star Wars, MCU…).


Il faut que tout le monde puisse apprécier dans la moindre mesure afin de faire du fric, il faut qu’ils ne réfléchissent pas trop pour faire encore plus de fric.


Et j’ai du mal avec ce genre démarche.


Les musiques et la mise en scène ne racontent rien, n’expriment rien, tout passe par le dialogue tout le temps… C’est de la paresse artistique sans aucune prise de risque. Et ça m’agace d’autant plus que le film semble par moment regorger de bonnes idées et de bonne volonté ! Les acteurs et certaines vannes fonctionnent très bien ! Les thèmes abordés sont suffisamment intéressants pour avoir une seconde lecture


Et qu’on ne me sorte pas que c’est léger et pour les jeunes. Pixar et Dreamworks nous ont montré a de nombreuses occasions qu’un soin esthétique et d’écriture ne sont pas incompatibles avec le succès critique et financier !


Bref c’est un film extrêmement maladroit qui capitalise sur la renommée d’un succès mythique d’il y a 20 ans. Consolidant l’idée, de nos jours bien établie, qu’Hollywood galère dans son processus de création et donc à nous proposer de l’innovation et des spectacles neufs et intelligents...

IroquoisPliskin
5

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le 7 janv. 2018

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Iroquois P.

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