Les frères et sœurs, enfin, le frère et la sœur, bref, les Wachowski, reviennent aux affaires deux ans après leur dernier film, Cloud Atlas. Leur adaptation de la Cartographie des nuages avait divisé mais m’avait pour ma part conquis sur pas mal d’aspects (l’ambition du projet, le casting, le montage et la musique notamment). Personne n’a oublié qu’ils étaient aussi et surtout derrière Matrix (une trilogie pour le plus grand bonheur des uns et le plus grand malheur des autres). J’avais donc pour ma part plus d’une raison de penser que mon baptême cinématographique de 2015 avait le potentiel de me plaire…

Autant y aller aussi Franco que peut l’être James : je n’ai pas aimé.

J’ai lu une phrase qui résume tout à fait le sentiment procuré par le film : « On a l’impression de voir l’adaptation d’un livre qu’on n’aurait pas lu ». C’est tout à fait ça. Ou en d’autres termes, j’ai eu la sensation d’avoir la version charcutée de ce qu’aurait pu/dû(cul ?) être le film tant s’accumulent les personnages faisant partie de différents peuples se croisant dans nombre de sous-intrigues inutiles et fumeuses. Ce qui nous donne au final un Gloubi-Boulga aussi indigeste que peuvent l’être les scènes d’action.
Parce que malgré les efforts fournis du côté des effets spéciaux, j’ai en effet vécu tout ce qui se déroulait à l’écran avec un détachement total. Je me tamponnais totalement de ce qui pouvait arriver aux personnages. À ce titre, la scène dans laquelle Caine (Channing Tatum) se retrouve éjecté dans l’espace est un modèle de scène ratée, sans aucune tension, ni enjeu. Je ne prends même pas la peine de mettre la balise « spoiler » vu que les Wacho se sont chargés eux-mêmes de gâcher la scène en la réalisant. Caine dérive dans l’espace et n’a donc que 37 minutes d’oxygène. Cut. On retourne immédiat sur terre, sans avoir le temps de se soucier de son sort. Finalement, on a droit à une ellipse pour introduire une scène de 10 secondes le voyant se faire secourir au dernier moment. Un grand moment de cinéma. Merci Andy et Lana.
Même les scènes sensées être dynamiques comme la poursuite aérienne dans Chicago ou le climax dans la ville en feu, malgré leur générosité, ne m’ont procuré aucune émotion. Juste un ennui profond. Mention spéciale à la scène dans laquelle Caine et Stinger (Sean Bean) vont secourir Jupiter (Mila Kunis) des griffes du grand méchant et doivent traverser des « blockus » (ou quelque chose de ce genre) pour atteindre le vaisseau ennemi : un sommet de confusion épileptique bien dispensable.
En gros, le film n’a ni Kunis tête.

Jupiter : Le Destin de l'univers est un film référencé, comme toutes les œuvres précédentes des Wachowski. Cette fois-ci, ce sont les contes qui sont souvent cités : Cendrillon, la Belle et la Bête ou encore Les Trois Petits Cochons. Il ne manquait plus que l’ajout d’un personnage qui s’appelle Jack et avec la présence de Sean Bean au casting, on avait droit à Jack et le Haricot Magique.
En tout cas, cette omniprésence des contes explique sûrement le besoin de Grimm-er Tatum en lycan. D’ailleurs, le nom de ce dernier est très réfléchi. Il s’appelle Caine donc s’il se met à avoir la « n », alors son prénom devient Canine et ça veut dire qu’il montre les crocs. Mais ce n’est le grand méchant loup pour autant. La preuve, il est sage vu qu’il s’appelle Wise.

Nan mais je déconne, en fait c’est vraiment mauvais et ce, jusque dans le titre français. « Le Destin de l’univers », sérieusement ? Il faut savoir qu’on s’en balance sévèrement pendant tout le film du destin de l’univers. À la rigueur « Le Destin de la Terre » aurait pu coller vu que c’est la planète qui appartient à Jupiter et que son sort est souvent questionné dans le film. On sent juste une nécessité marketing de donner un semblant d’ampleur à un film qui en a bien besoin, quitte à être hors-sujet.

J’ai trouvé que les créatures qui peuplaient le film donnaient lieu à un ensemble aussi bordélique que le scénario. Comme si les esgourdes de ce pauvre Channing Tatum peroxydé n’étaient pas suffisamment ridicules, ils se sont sentis obligé de rajouter dans le film un alien avec des oreilles limite plus grandes que son visage. On a même le droit à plusieurs Lizard Man de Soul Calibur à qui on a collé des ailes. Tant qu’à faire. Et dans le fond, on pourrait caler un mec avec une muselière bleue, totalement hors-sujet mais qui pourrait rappeler Avengers. Puis pour bien merder le tout, pourquoi ne pas rajouter en plein cadre, trois fois, un éléphant moisi qui pilote un vaisseau. On l’appelerait Nesh. Non parce que ça sonne vraiment super bien Nesh !

En résumé, l’Ascension de Jupiter marque paradoxalement la chute des Wachowski.

Bon, s’il fallait donner deux-trois raisons de voir le film, je dirai que visuellement, même si c’est pour au final accoucher de scènes d’action vaines comme je l’ai évoqué plus haut, il y a quand même du beau boulot de fourni. Certains plans dans l’espace sont parfois vraiment impressionnants et valent le coup d’œil. Puis globalement, l’univers du film est assez riche et foisonnant. J’ai aussi apprécié le fait que le film s’inscrive dans la réalité en donnant des clefs sur certains mystères de la vie comme :
- la disparition des dinosaures (bien que cela ressemble à la version donnée par Transformers : L'Âge de l'extinction. Ce qui n’est pas forcément un gage de qualité…),
- les crops circles,
- les sondes anales extraterrestres.

Côté musique, Giacchino nous a habitués à mieux. Il avait beau se retrouver en altitude dans Jupiter Ascending, il a été beaucoup plus inspiré lorsqu’il avait la tête dans les nuages de "Là-haut" ou qu’il visait les étoiles de "Star Trek".

Pour terminer, je me suis dit que le film manquait d’humour. À part le fait que l’héroïne soit une princesse qui récure les chiottes, qu’elle « aime les chiens » et que l’administration c’est le bordel ahaha, on n’esquisse peu de rictus en compagnie de Kunis.
Mais après coup, j’ai compris que l’humour habitait l’ensemble du film. Jupiter : Le Destin de l’univers est en réalité une gigantesque blague. Sauf qu’elle n’a pas de chute.
C’est ainsi que le titre original, Jupiter Ascending, prend tout son sens.

Bref, Jupiter: Le Destin de l’univers est mauvais. Mais le film a le mérite de se suivre sans déplaisir. Juste avec affliction et détachement.
Epice

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