Duo d'habiles faiseurs s'étant révélé dans les années 2000, ayant créé puis imposé leur univers propre aussi riche que profond, les Wachowski nous avaient confortés dans leur parcours imprévisible avec le convaincant Cloud Atlas (2013) faisant suite à la trilogie culte des Matrix et au mal aimé Speed Racer (2008).
Cette jouissive et illusoire bande annonce ne pouvait rien annoncer de meilleur : film de science fiction de plus de deux heures se déroulant en grande partie dans l'espace, sous la forme d'un soap opera remixé et solidifié par les traits caractéristiques de mise en scène des cinéastes, maîtres en la matière, pour un blockbuster mainstream aux nombreuses qualités esthétiques introuvables dans la majeure partie de la production contemporaine. Rendons nous à l'évidence : à la vision de cette infâme purge dégoulinante de ridicule, il ne va pas sans dire que Matrix et Cloud Atlas sont désormais aux Wachowski ce que Citizen Kane est à l'histoire du cinéma.

Bien que ludique et kitch en apparence, Jupiter Ascending ne connaît au grand jamais - comme son titre original pourrait le laisser penser – un décollage digne de son nom, témoin du renouvellement constant et prolifique de l'univers wachowskien. L'entreprise ressemble de loin à celle du pathétique Noé de Darren Aronofsky (2014) mais laisse supposer néanmoins de belles idées dans les souterrains, nous tirant par intermittences un sourire honnête dans les premières minutes, pour finir forcé et évanoui à la fin de ce voyage aussi impénétrable qu'épuisant. Channing Tatum, bâtard croisé avec un loup au cerveau de gros poussin, vient reprendre Jupiter à ses assaillants en patinant dans l'atmosphère tel lors d'un championnat de sports d'hiver. On pense évidemment à un scénario bollywoodien, bien que ce dernier vise souvent à produire de l'hilarité au détriment du sérieux de sa réalisation. On peine à trouver un second ou troisième degré ici, gentiment terrifié par la voix glaçante de Balem Abrasax (Eddie Redmayne) ou plié en quatre devant Jupiter entourée d'abeilles se prenant pour la Rachel MacAdams d'A la merveille. Un nombre incalculable d'éléments inutiles se déploie, ces derniers présents uniquement pour masquer la débilité du scénario comme la mollesse de l'intrigue principale. Mila Kunis fringuée comme une divergente (comment ne pas penser à Tris/Shailene Woodley?) ne fascine pas pour autant (l'époque Trinity/Carrie Anne Moss semble révolue) et campe un rôle d'un inintérêt déconcertant.

Ajoutons à cela la bande son de Michael Giacchino, peu inspirée et aussi bruyante que les moteurs des vaisseaux. Les combats demeurent quant à eux chorégraphiés à l'image des Matrix, mais ne trouvent nullement leur place dans cette bouillie périmée et montée à un rythme beaucoup trop rapide pour immerger. Une vaste blague inoffensive mais terriblement décevante pour ce duo suivi aussi bien des cinéphiles aguerris que du grand public. Le destin de l'univers, peut être. Celui des Wachowski, ne l'espérons pas.
Forrest
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le 9 févr. 2015

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