Projet crassement opportuniste ou entreprise hommage aux aspirations plus nobles, la résurrection des bébêtes de Jurassic Park laissait pour le moins perplexe.
Il s’avère que ce nouvel épisode est clairement un film fan, un plaisir pas si coupable, respectueux de la saga originelle et absolument lucide sur le matériel dont il dispose.
Colin Trevorrow est parfaitement conscient qu’il est impossible de recréer l’émerveillement qu’a pu représenter la première rencontre avec les dinos de Spielberg. Ce moment iconique de cinéma, sur la musique légendaire de John Williams, aura profondément marqué toute une génération d’ados il y a 20 ans de ça.
Le scénario s’en amuse d’ailleurs lorsqu’il fait dire au personnage de Bryce Dallas Howard que plus personne n’est impressionné par les dinosaures aujourd’hui, qu’il faut voir plus grand, plus féroce, plus violent. Le réalisateur, dans un élan méta désinhibé, applique le principe au pied de la lettre. Jurassic World n’est donc pas une réinvention du parc préhistorique, mais plus un tribut déférent et libéré, qui applique sciemment les codes du blockbuster contemporain à la recette originale en n’hésitant pas à aller dans la surenchère. Parce que c’est ce que le public réclame. Comme de nouvelles bestioles dans le parc. La boucle est bouclée. Jurassic World traite ainsi avec une tendre ironie des excès de notre société consumériste et en particulier cette course au gigantisme qui touche Hollywood, sans oublier de reprendre le discours premier sur les dangers des apprentis sorciers trafiquant la nature. On ne sera pas étonné que la morale de l’histoire demeure au final : « on vous aura prévenu ».
Mais Jurassic World reste avant tout un formidable divertissement. Passer une introduction décevante (mais comment ne pas souffrir la comparaison avec celle de Jurassic Park, premier du nom), la découverte des attractions (le rendu du parc est fascinant de réalisme) intrigue et immerge peu à peu le spectateur dans le récit pour le happer totalement quand la machine commence à dérailler.
Du rythme, des références amusantes aux premiers opus, une bonne dose d’humour, de bonnes vieilles frousses à l’ancienne (ça saigne !), des effets spéciaux irréprochables, tous les ingrédients se lient joliment pour offrir une très recommandable renaissance au monde créé par Spielberg. Le charisme et l’aisance du duo Chris Pratt – Bryce Dallas Howard, aussi bien dans l’action que dans la comédie, confèrent également une caution non négligeable au projet et Trevorrow apporte sa touche par une mise en scène qui peut se montrer inventive, comme avec l’utilisation des caméras embarquées lors d’une traque haletante.
Jurassic World se déguste comme une bonne vieille madeleine de notre enfance qui aurait récemment changé de recette. Mais une nouvelle recette qui serait un peu plus qu’un simple coup marketing. Oui, elle a du goût cette madeleine.