Bon, bah voilà... j'ai vu Jurassic World Fallen Kingdom. Alors avant d'aller plus en profondeur dans la critique; oui je plaide coupable, j'ai aimé le premier Jurassic World. Je sais qu'il est de bon ton de lui déféquer dessus... mais moi je l'aime bien ce film. Okay les personnages sont taillés à la hache, okay ça repose sur des clichés, okay Bryce Dallas Howard qui distance un T-Rex alors qu'elle porte des talons aiguilles et ce avant que le T-Rex fasse un team up avec un Raptor pour défoncer la ganache d'un Dinosaure transgénique... tout ça c'était assez limite. Oui le film semblait engoncé dans une volonté d'hommage forcé, comme si par excès d'humilité il abandonnait l'idée de pouvoir se hisser à la hauteur du film d'origine au point de peiner à proposer un spectacle marquant . Toutefois il avait le mérite de proposer quelques idées que ce soit narratives ou visuelles. Mais surtout, il faisait quelque chose qui me fascine dans le cinéma actuel : la citation et réappropriation d’œuvres de pop culture marquantes. Alors que ce soit dans un but opportuniste ou non, je trouve la démarche toujours intéressante à analyser. Ainsi Jurassic World se posait en film hommage, voir carrément un fan film et c'était autant son plus gros défaut que sa plus grande qualité selon moi. Mais au delà de ça il portait une idée qui légitimait son existence dans la saga, indépendamment de ce que l'on pouvait penser quant à la qualité du film. Cette idée tenait dans la retranscription de la désillusion suivant le rêve. Voir Jurassic Park ouvrir ses portes aux visiteurs, tels était le rêve de John Hammond et par là même, du spectateur. Seulement à l'usage, ce rêve s'est banalisé, n'est devenu qu'un parc de divertissement quasi lambda où la magie initiale s'est estompée. J'ai trouvé ce propos pertinent et si je devais donner une qualité à Jurassic World 2, c'est qu'il continue dans cette lancée. Ici il n'est plus question de comment l'on peut pervertir un rêve afin de proposer toujours plus de divertissement à une foule blasée, mais simplement comment on peut pervertir n'importe quelle bonne intention et les outils ayant permis la concrétisation du rêve. Plus que de la désillusion, il est question de la mort du rêve. Il est là le « Fallen Kingdom », dans la mise en bière du fantasme, symbolisé à l'écran par la destruction de l’île emblématique avec un ultime plan sur cette dernière, où dans la fumée et les flammes se dessine l'ombre du 1er dinosaure que nous avons vu à l'écran dans le film de Spielberg, avant que celui ci ne s'effondre et disparaisse.


C'est par l'évocation de cette scène que j'en viens à citer la plus grande qualité du long métrage de Juan Antonio Bayona qui est sa mise en scène. A la réalisation correcte mais impersonnelle de Trevorow ; succède celle bien plus marquée du réalisateur espagnol qui a auparavant fait ses armes dans des œuvres telles que L'Orphelinat, The Impossible et Quelques minutes après minuit. Et il est évident que la différence se fait très agréablement ressentir. Bayona sait profiter de l'image et des figures de styles visuelles pour souligner son propos, asseoir son ambiance, amplifier les émotions. Il amène dans son sillage le directeur de la photographie Oscar Faura avec lequel il a travaillé dans ses précédents films. Et là aussi le boulot est absolument superbe. Les deux hommes nous offre des plans à la composition irréprochable. Je ne vais pas m'attarder plus que ça sur la réalisation car selon moi, l'essentiel n'est malheureusement pas là. Car oui en effet, aussi bonne soit elle, elle est aussi complètement flinguée par une écriture cataclysmique.


Alors avant de tailler le scénario, je vais citer quelques bons points dans ce dernier. Plus tôt j'ai évoqué la thématique centrale qui demeure selon moi pertinente dans son fond. Ensuite il y a la structure du film. Partant dans le cliché « Jurassic Parkien » avec son expédition se rendant sur l’île avant que tout ne tourne mal ; la narration dévie en seconde partie afin d'entrer dans un trip plus... intimiste, davantage porté sur la tension que le grand spectacle. Et ça j'aime. Et c'est tout... tout ce que je peux dire de positif sur l'écriture. Parce que passé ça.... OH MY PUTAIN MAIS ILS ONT CRAQUÉ LEUR SLIP, J'Y CROIS PAS DE GODE.


Il faut savoir une chose à mon sujet : je ne suis pas le genre de hère qui hurle à la première facilité ou incohérence scénaristique venue. Voir je suis le genre de personnage qui comprend la nécessité d'user de ces d'artifices un peu grossier dans une œuvre de fiction, d'autant plus lorsque celle ci ambitionne d'être un « spectacle ». Voyez vous TOUT les films à spectacle s'appuient sur au moins une facilité scénaristique, voir pire, une incohérence. Et ce n'est pas grave car un spectacle ne repose pas uniquement sur la rigueur d'un scénario. Il repose avant tout sur sa capacité à gérer intelligemment ses effets, de sorte que l'on oublie les grosses ficelles et le machiniste les manipulant. Repensez à The Dark Knight : tout le film tient sur l'idée que le Joker a mille coups d'avance et parvient à placer des explosifs dans des endroits où ce serait impossible. Personne ne s'est posé la question sur comment il a réussi à faire entrer dans un hôpital et dans des ferrys des centaines de barils explosifs et des bombes ? Bien sur le film pourrait l'expliquer, mais ce serait tout simplement chiant. On a établi plus tôt que c'est un génie du crime, qu'il a plusieurs coups en avance et une fois ce postulat accepté par le spectateur, pas besoin de décrire le détails le comment il s'y prend pour mettre en action ses plans. Pourquoi ? Parce qu'en faisant cela on ruinerait à l'aspect imprévisible du personnage puisqu'on le verrait tout préparer. Nous avons là affaire à un film qui use de « facilités scénaristiques ». Et pour les incohérences ? Revoyez le premier Jurassic Park : on a des raptors, super prédateurs. Un T-Rex dont chaque pas fait trembler le sol. Pourtant ces derniers ne vont même pas être foutus de le sentir venir quand il entre comme de par magie en plein dans le hall d'entrée du parc afin de les gober et surtout sauver les miches d'une manière bien commode à nos héros qui étaient coincés dans une situation inextricable. Bah ça, c'est incohérent. Car c'est limite contradictoire avec ce qui a été établi plus tôt dans le film. Et c'est aussi une facilité car reposant sur le mécanisme du Deus Ex Machina. Pour synthétiser ma pensée, le spectacle à par moment besoin que l'on facilite les péripéties. Il ne repose pas que sur du set up/pay off mais aussi et surtout sur ses effets et les émotions que cela va provoquer au spectateur . Et dans ce but, le scénariste va parfois user d'un Joker en scénarium en vu de fluidifier la narration quitte à, dans le pire des cas, faire un enfant à la logique élémentaire. Ce n'est pas glorieux, ça peut faire tiquer mais quand c'est bien fait, ça passe. En fait c'est un peu comme le gras dans la cuisine. C'est pas tip top pour la santé, mais on ne peut pas s'en passer si l'on veut pouvoir apprécier ce que l'on mange.


Cette longue aparté faite, je peux maintenant vous expliquer en quoi le scénario de Jurassic World Fallen Kingdom est une aberration. Bon déjà, sans même parler des incohérences ou facilités, on peut dire que c'est très mal écrit. La plupart des dialogues sont maladroits , voir clichés autant dans ce qu'ils racontent que leur mise en place . Ainsi l'on a encore ce cliché du méchant qui va prendre le temps d'expliquer aux héros son plan maléfique alors qu'il n'a aucune raison de le faire, voir même il va leur donner des informations comme ça... parce que pourquoi pas? Les dialogues sont tellement lourds et écrits avec des gants de boxe, que ça en devient toxique pour la réalisation. Ainsi quand cette dernière use d'images fortes en terme de symbolique pour appuyer son propos, le tout passe pour balourd la faute aux dialogues dénués de subtilité que nous avons pu entendre plus tôt dans la scène.


Mais là n'est pas encore l'essentiel de la merditude. Le pire demeurant dans l'usage systémique de facilités et d'incohérences dans quasiment CHAQUE scène. Et je vous assure que je ne verse même pas dans l'exagération. Décrivons une scène « type » en tout simplicité :



  1. Il y a la situation initiale : les héros rentrent dans une pièce.

  2. Il y a l'élément perturbateur : Un dinosaure est dans la pièce et menace la vie des héros

  3. Il y a l'élément de résolution : Les héros parviennent à échapper au dinosaure ou sont tués par ce dernier, ce qui conclue la scène et nous permet de passer à la suivante.


Et bien dites vous que dans quasiment chaque scène de ce Fallen Kingdom il y a au moins un des ces trois éléments précédemment cités qui repose sur une facilité scénaristique ou une incohérence... Quand ce ne sont pas les 3 éléments qui sont carrément déconnants. Que ce soit en terme de crédibilité de la situation, de la gestion de l'espace et des déplacements des protagonistes ou dinosaures, la cohérence intrinsèque, les occasions ne manquent pas au script de Trevorow et Conelly pour faire n'importe quoi. La plupart des scènes ne s'initient, se développent et se résolvent que grâce à des facilités ou incohérences. J'oserai même dire que le film n'avance que parce qu'à un moment donné, il y a une entorse à la crédibilité de l'oeuvre.


Ces aberrations scénaristiques ont produit deux effets pervers : en premier l'annihilation d'une quelconque tension dramatique. Tout semblait tellement forcé que l'artificialité du récit m'a sauté aux yeux et ainsi je ne pouvais plus ressentir d'émotion pour les personnages. Comment le pourrais-je quand l'impression qu'une main de scénariste pouvait tout arranger à coup de « pourquoi pas » et en sortant une nouvelle aberration de son chapeau ? L'autre effet pervers tient dans la déconstruction de la narration que cela provoque. Les personnages se téléporte de lieux en lieux, font des actions plus ou moins logiques, s'en sortent de manière plus ou moins crédibles donnant plus l'impression d'être face à un patchwork de morceaux de bravoure certes bien foutus en terme de réalisation, mais complètement décousus les uns des autres. Pour en revenir à ma métaphore culinaire, rapprochant la nécessité d'user parfois de « facilités » ou incohérences pour faire avancer le récit avec le besoin d'incorporer du gras dans la cuisine afin d'en relever le goût et bien disons qu'ici le Chef Trevorow a décidé de vous faire un hot dog, garni de frites dont il aurait frit le pains, aurait ensuite étalé du beurre à l'intérieur pour y rajouter une couche de crème fraîche, puis de la mayonnaise, puis du fromage fondu... Et cela donne quelque chose d'abjectement indigeste et indigent. Trevorow tels un médiocre commis de cuisine qui n'aurait même pas son CAP, oublie que tout élément se doit d'être dosé avant d'être incorporé dans sa mixture.


Pour vous donner un bon ordre d'idée de la chose, je vais être obligé d'aller dans le spoil.


Alors prenons carrément le climax du film. Nous avons nos héros qui sont traqués dans un immense manoir par un dinosaure génétiquement modifié. A un moment la fillette se détache du groupe, se fait pourchasser par le dino mutant et lui échappe. Elle use d'un monte charge maison pour se rendre au dernier étage de l'immense manoir et aller dans sa chambre. Ai je précisé que le manoir est vraiment grand et comporte plusieurs étages ? Enfin si vous avez vu le film vous vous en êtes rendu compte par vous même. Et bien le dino mutant va réussir à la retrouver car il se sera téléporté sur le toit et a vu la lumière dans la chambre (précisons que ce n'est pas la seule pièce éclairée de la maison). Ainsi il entre dans la chambre de la petite qui n'a pas trouvé de meilleure cachette que son lit. Avant que dino muto ne gobe la gamine, illustrant à merveille la sélection naturelle ; cette dernière est sauvée in extremis par Chris Pratt qui est parvenu à la retrouver on ne sait comment... Et quand il est lui même sur le point de se faire becter, c'est son Raptoutou qui vient à la rescousse au dernier moment ; devinant que son maître est dans la chambre de la gamine on ne sait trop comment... Et ainsi quand la gosse et Pratt vont s'enfuir par les toits, Dino muto va quand même les retrouver. La poursuite s'achèvera sur une verrière et avant que Pratt et la petite se fasse boulotter, alors surgit une Bryce Dallas Howard sauvage qui est grimpée sur le toit et ce alors qu'elle est blessée à la jambe tout en devinant on ne sait pas trop comment la position de ses copains, afin de leur sauver la mise au dernier moment. Mais ça ne suffit pas et alors Raptoutou revient in extremis pour faire passer Dino Muto à travers la verrière afin que celui ci s'empale sur les cornes du fossile de tricératops commodément placée en contrebas... Tout ça, je ne l'exagère pas et c'est contenu dans même pas 10 minutes de films.


Si vous avez lu ce passage, vous avez vu ce film et vous savez que c'est vrai... et là normalement vous vous devez bien d'admettre « ouais il y a peut être une gonade dans le pâté avec l'écriture de ce film ». Et c'est pendant 2h comme ça. Le premier Jurassic World avait lui aussi ses coquilles dans le scénario, mais venant de le revoir juste avant l'écriture de ces lignes, je peux vous assurer qu'elles n'étaient pas aussi nombreuses.


Devant cette écriture absolument calamiteuse, ma seule satisfaction c'est de savoir que Trevorow n'est plus impliqué dans l'écriture de l'épisode IX de la saga Star Wars. Parce que déjà que dans un univers tels que celui de Jurassic Park il s'en donne à cœur joie à coup de facilités scénaristiques, qu'est ce que cela aurait donné dans l'univers de Star Wars où un Deus Ex Machina a été concrétisé au sein même de sa diégèse en présence de la Force . Entre les mains d'un scénariste aussi fainéant, je n'ose même pas imaginer le massacre... Donc pour conclure, je peux affirmer que Jurassic World est la parfaite illustration en quoi un script indigent peut complètement détruire les bonnes intentions d'une réalisation efficace. Plus je pense au film, plus je n'éprouve que mépris pour ce dernier tant il semble m'avoir pris 2h durant pour un parfais crétin.

Hunter_Arrow
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le 8 juin 2018

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Hunter_Arrow

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