Jurassic World: Fallen Kindgom® fait partie de ces rares mauvais films qui me donnent envie d’écrire au sujet du cinéma. Il me semble en effet qu’il reflète une tendance déjà rampante dans le divertissement à Hollywood depuis plusieurs années.


Mais parlons du film tout d’abord. Je connais la tendance qu'à Universal ™ à supprimer tout contenu qui leur déplaît, mais je préviens au cas où l'on viendrait chercher la pête bête que ma critique tombe sous la législation du fair use sur les oeuvres d'art. (Spoilers à venir)


Ce qui ressort en premier lieu dans ce grand foutoir – enfin ce qui nous explose au visage, ce qui nous saute à la figure, tant cela est criant – c’est l’indigence du scénario. Bien sûr, on n’a pas attendu le 5e épisode de la franchise pour tenter de recréer maladroitement les scènes – disons-le honnêtement – parfaites du premier film, mais l’on voit qu'une nouvelle fois on fait face à un total manque d’originalité. Et ceci pour 2 raisons : ou bien on recycle des idées des précédents films, ou bien on n’exploite pas assez celles qui sont nouvellement proposées. D’autre part, on observe tout au long du film des personnages aux décisions toutes plus irrationnelles les unes que les autres, de la stupidité à tous les étages, que c’en est agaçant. Des exemples parmi d’autres sont : transfuser un vélociraptor avec du sang de T. rex, se servir de dinosaures comme arme de guerre (c’était déjà une idée dans le précédent), libérer les dinosaures dans la nature à la fin, etc. Des sottises : survivre à de la lave en fusion à 50 cm du visage, sauter dans le ferry avec un camion de plusieurs tonnes, l’Indoraptor® qui fait s’effondrer la verrière et s’empale sur les cornes d’un Tricératops…


Ensuite, le film présente des personnages au charisme d’huître et dont on se moque carrément du sort qui leur est réservé. On essaye de nous convaincre que Starlord® a toujours ses chances avec la jeune fille de l’eau, mais même le film ne sait pas s’il veut qu’ils finissent ensemble. Le dialogue qu’ils échangent au début semble indiquer qu’ils ont tourné la page, mais plus tard dans le film elle viendra lui coller ses lèvres sur le visage sans la moindre passion. Il y a plus d’alchimie entre Blue et Starlord® qu’entre Starlord® et la jeune fille de l'eau, c’est dire l’échec des scénaristes ! Sinon, on a une lesbienne « strong independent women » « caution LGBTQ+ etc. », et un métis « caution antiraciste ». J’ai bon ? Enfin, on ne manquera pas de signaler les méchants assez oubliables et inoffensifs : Rafe Spall en méchant à costume trois pièces, et Ted Levine qui essaie de se donner l’air d’un Robert de Niro en roue libre (ce qu’il réussit plutôt bien étant donné la carrière actuelle de Bob), qu'on nous réserve pour un dessert guère intéressant.


Mais passons sur ces problèmes d’incohérences, ces dialogues ennuyeux, ces décisions catastrophiques, cette stupidité qui sourd de tous les pores de Jurassic World: Fallen Kindgom® ! Ce n’est que la surface et bien des films corrects ont leurs petits soucis sur ce plan-là. Il faut se pencher sur le défaut plus profond qui gangrène l’intégralité du long-métrage, souci dont il n’est d’ailleurs pas le seul à souffrir : c’est la mise en scène. La base. La chose la plus essentielle. En effet, ce n’est peut-être pas quelque chose qui paraît évident mais lorsqu’un film est bien réalisé, ça ne se voit pas, ça se ressent. Ici, on ne ressent rien. Il n’y a rien dans la photographie, le montage ou l’orchestration des scènes qui le rendent passionnant ou ne serait-ce qu’intéressant. Les dialogues sont ennuyeux car le réalisateur se contente à chaque fois d’un champ contrechamp basique et mal monté. Les scènes de destruction avec les dinosaures ne déclenchent pas le moindre frisson. Il n’y a tout simplement aucun suspense, aucune tension, aucune ambiance.



  • La capture de Blue : franchement facile.

  • La course-poursuite durant l’éruption volcanique : une promenade de
    santé parmi les dinos en CGI.

  • L’indoraptor qui poursuit son dessert sur le toit du manoir : pas une
    goutte de sueur

  • Le méchant qui se fait manger par le T. rex : ennuyeux.


Fallen Kindgom® est un manège dont on ne peut tout simplement pas monter dans le wagon, on reste sur le bord à regarder les soubresauts du chariot sans ressentir le moindre courant d’air.


Et c’est en cela que ce film est symptomatique d’une pente qu’Hollywood est en train de descendre. Totalement exsangue en scénaristes partis chercher une certaine liberté artistique dans les séries (en témoigne l’activité florissante de ce médium culturel), le divertissement ne se repose presque plus aujourd’hui que sur des franchises dont les scénarii sont des copies carbones des épisodes précédents. Et quand on vient chercher des idées « fraîches » (dans des romans par exemple), on est tout de même servi par la même soupe narrative dont l’intérêt et la qualité sont du niveau du premier jet d’un atelier d’écriture de troisième. Avec ce script mal fini, on envoie tout le monde faire les prises de vue le plus vite possible, avec aux manettes un réalisateur qui doit se contenter du niveau zéro de la mise en scène, et ensuite on envoie le tout au département CGI qui est censé rendre le tout un tant soit peu affriolant.


Des films comme The Meg, Skyscraper, Rampage, Jumanji, Kong : Skull Island, Jurassic World, King Arthur, The Mummy, Kingsman 2, mais encore The Great Wall, Pacific Rim : Uprising, Independance Day : Resurgence, Geostorm, Fantastic Four, Ghostbusters (2016), Justice League, Suicide Squad, Transformers 4 &5… et la liste continue, sont produits à la chaîne sans le moindre savoir-faire cinématographique.


Aujourd’hui, on ne se préoccupe plus de savoir si une œuvre va être bonne, si elle va être appréciée, ou si elle donnera envie de revoir le film. Non la seule question c’est « est-ce que c’est vendable ? Est-ce que je peux faire 1,3 milliards au box-office avec un film chiant, stupide et tourné avec le cul ? » La réponse est – hélas – oui. Mais pour combien de temps ?

Quentin_Pilette
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le 12 sept. 2018

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