Ce qui est « pas mal » est à replacer dans le contexte indigeste des franchises, cet aveu permanent des majors de leur désintérêt à financer des inventions. Bien évidemment Jurassic World Fallen Kingdom aurait mérité de rester dans les cartons bien plus que d'autres projets que nous ne verrons jamais. Bien évidemment, en plus de ne présenter aucun intérêt, il fait par sa seule existence du mal au chef-d'œuvre d'origine. Mais bon, il est là et je ne me flagellerai jamais assez d'avoir plié le genoux devant la logique des franchises en allant quand même voir ce que ça donnait.
En tant qu'énième épisode irréfléchi, il y a de l'inévitable. Un personnage capitaliste, qui est là pour nous rappeler que le problème ce n'est pas la logique du fric mais bien la méchanceté de certains méchants capitalistes, un grand-père qui remplace John Hammond venu de nulle part, une manipulation de la génétique niveau Picsou magazine... Il est de notoriété publique à présent que l'espérance de vie en présence de dinosaure est proche de huit secondes. En conséquence tout le monde, scénaristes, personnages et spectateurs peinent vraiment à justifier une nouvelle expédition sur une île pleine de dinosaures. Toute la première partie du film est un remake du Monde Perdu, ce à quoi on s'attendait. Mais elle est expédiée assez efficacement par Bayona. Au lieu de justifier par des dialogues inutiles ou de passer rapidement pour qu'on ne voie pas la fragilité du concept, il en fait fi pour faire un exercice de style. Pas suffisant pour faire un film. Mais.
Une deuxième partie s'affranchit des codes obligatoires de l'île aux dinosaures et de toute crédibilité d'ailleurs pour donner un réel exercice de style et parfois atteindre des niveaux de frissons dignes d'un Spielberg. Les clins d'œil sont utilisés comme réels éléments du film et pas seulement en fan service (le monte-charge). On bascule dans un style épouvante qui traite l'aspect science-fiction capillotracté pour ce qu'il est : un argument à l'épouvante. C'est en nous fatigant avec un fourre-tout de dinosaures et de dollars dépensés stupidement que Bayona parvient à nous immerger dans un quasi huis-clos qui ne fait pas honneur à la hauteur du budget. Alors que l'île est déconstruite, rendue petite par les rencontres improbables des personnages et animaux par un découpage qui n'a aucune intention de nous donner le moindre repère spatial, on se retrouve ensuite dans un lieu fermé très bien décrit, dans lequel on a tous nos repères, s'opérant alors un hors-champ digne des meilleurs productions d'épouvante, Alien, Halloween, Argento.... un véritable savoir-faire se met en œuvre. Le passage d'un genre à l'autre se fait d'ailleurs par un plan-séquence claustrophobe très prenant et pas tape-à-l'œil (la boule dans l'eau). Dans une autre belle séquence, Bayona va jusqu'à retrouver l'essence même de Jurassic Park : l'enfant apeuré par l'ombre du dinosaure caché parmi les squelettes et statues de ses semblables, dans le noir. Une très belle séquence, digne hommage à du vrai cinéma spielbergien.
Bref, c'est un film dont on se passe aisément, mais son réalisateur l'a bien compris et y trouve donc une cour de récré pour son talent appréciable.