Ce premier film est un coup de maître et on ne serait pas étonné d’en voir un remake américain dans les années à venir. « Jusqu’à la garde » commence comme un drame judiciaire où lors d’une longue séquence dans le bureau d’une juge on nous expose les différents entre un homme et une femme en instance de divorce, notamment concernant la garde des enfants. Tous les faits sont expliqués de manière concise, le sens du cadrage et le découpage des plans instaurant déjà une tension plus que palpable. Si le metteur en scène se garde bien de faire pencher la balance pour l’un ou l’autre, on sent néanmoins que quelque chose cloche sans pour autant savoir quelle direction le film va prendre. Et sur l’heure et demie que dure le film, le spectateur ne va pas cesser d’être malmené (et c’est la réussite du film) dans un film coup de poing tout le temps surprenant entre pics de tension et accès de fureur.
Après une ellipse narrative maîtrisée, le long-métrage devient complètement anxiogène et instaure une pression permanente. Le drame familial se mue alors peu à peu en thriller domestique implacable. Et c’est là qu’on prend toute la dimension des enjeux du film où un père déséquilibré s’insinue dans la vie de son ex-femme et ses enfants jusqu’à l’irréparable. « Jusqu’à la garde » doit beaucoup à ses interprètes qui livrent des performances impressionnantes. On redécouvre Léa Drucker, actrice quelque peu sous estimée et sous exploitée par le cinéma français, qui s’avère parfaite dans ce rôle de mère apeurée. On applaudit également le choix du réalisateur Xavier Legrand qui a su caster un enfant au-delà de tous les superlatifs en la personne du jeune Thomas Gioria. Très émouvant, on ressent directement une forte empathie pour lui, il parvient à nous transmettre sa peur avec brio. Mais c’est Denis Ménochet, instantanément césarisable, qui retient le plus l’attention. Il est littéralement terrifiant dans ses accès de folie, passant de la douceur à la fureur avec une pertinence inouïe.
Legrand sait filmer, on le constate lors de longues séquences en voiture à déconseiller aux claustrophobes et où s’accroche à notre siège. Il rend chaque apparition de Ménochet inquiétante, chacune d’elle devenant synonyme d’angoisse. Mais, surtout, on est scotché par un final en forme d’home invasion tout à fait exemplaire en termes de mise en scène qui pousse la terreur domestique et la tension dramatique à leur paroxysme. « Jusqu’à la garde » s’avère un impressionnant thriller où à chacune des peu nombreuses séquences (le film va vite), on sent que tout peut basculer. La force de frappe de cette œuvre est puissante et magistrale. Cela faisait longtemps qu’un film français ne nous avait pas secoué de la sorte, sans cesse oppressant et éprouvant pour le spectateur tout en faisant bien attention de rester dans un réalisme brut qui accroît sa portée émotionnelle. Tout juste lui reprochera-t-on de ne pas donner assez de temps dans la première moitié du film au personnage de la mère, mais c’est bien peu pour cette œuvre impressionnante et mémorable.
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