Après seulement quatre longs métrages visant à déployer leur univers fleuve, DC lance péniblement son équipe de super-héros, la Justice League. Suggérée à plusieurs reprises au cours des précédents opus du DCU (Suicide Squad et Batman V Superman), cette équipe, composée pour la plupart de méta-humains brièvement introduits au cours de l'affrontement entre l'homme chauve souris et le fils de Krypton, se veut être une force de réaction contre une invasion extra-terrestre dont la cible semble être la terre. Outre le fait de devoir introduire une multitude de personnages vaguement portés par les précédents métrages, et amenés à devenir des symboles pour toute la suite du DCU, le film doit également justifier la création de son équipe de héros autour d'une menace réelle et logiquement supérieure à toutes celles déjà affrontées. Tout ça en deux heures de film, soit quasiment une heure de moins que Batman V Superman, qui lui aussi portait de gros enjeux, et s'en était plutôt bien sorti.


Ceux qui regrettaient de ne pas en avoir vu assez concernant les méta-humains durant Batman V Superman pourront malheureusement aller se rhabiller, les présentations avec chaque membre de cette joyeuse famille étant des plus courtes, les scènes introductives ne servant uniquement qu'à véhiculer les lignes d'intentions des personnages pour le reste du film : Aquaman est le solitaire ténébreux au torse galbé muni du tact d'un bûcheron, toutefois capable d'envoyer des mitasses sur le champ de bataille. Cyborg est la créature, celui qui rejette sa nature de bête de foire, et qui trouvera chaussure à son pied dans cette famille d'adoption dans laquelle son identité ne fait pas tâche. Et Flash se cantonnera au rôle du bleu bite un poil maladroit débitant une quantité incestueuse de blagues et autres fantaisies divertissantes, parfois drôle, parfois lourde. Tout le travail effectué en amont sur le personnage de Batman semble avoir été relégué au second plan tant Bruce Wayne perd de sa superbe et de son aura au cours du film. Seule sa relation avec Wonder Woman, puisant dans ce jeu de chat et de souris amorcé durant L'aube de la justice parvient à garder les deux personnages sur les rails, donnant un semblant de cohésion et de consistance à cette équipe. Là où un film comme Avengers jouait sur les dissensions entre les personnages pour mieux les faire fonctionner en groupe, Justice League se contentera de les envoyer empêcher l'apocalypse au pas de course, cochant au passage les cases du cahier des charges portant les mentions "Spectacle" et "fin du monde numérique".


Vient ensuite la trame narrative impliquant le personnage de Superman, dont le traitement sera expédié, à l'image du reste du film. Toutes les bases du problème même de son existence, de son parcours initiatique et du rôle qu'un dieu peut tenir sur une planète de mortels seront ici oubliées voir même balayées, l'homme d'acier intégrant le carcan des beaux-gosses au sourire ravageur et à la punch-line facile. Ce problème de déconstruction du personnage, récurrent quand on voit le traitement accordé à Batman, est de mauvaise augure pour la suite des aventures solos du duo de personnages, en plus de dépersonnaliser une icône dont le parcours avait jusqu'ici suscité quelques attentions.


Là où les autres films du DCverse arrivaient à créer des identités fortes autour de leurs personnages (par le biais de visuels singuliers, de thèmes musicaux marquant et de séquences iconiques portant très haut les couleurs des personnages), Justice League ne parvient pas à exploiter pleinement le potentiel et les éléments scénographiques de son univers. Exit les sonorités guerrières et rythmées du thème de Wonder Woman, les accords puissants qui accompagnaient les pas de Bruce Wayne, et les mélodies constituant l'héritage de Krypton. Danny Elfman se fait très discret, n'arrivant pas à ajouter l'épice de ses compositions pour porter convenablement les séquences. Alors que Snyder arrivait à nous tenir en haleine par sa maîtrise technique le temps d'un nettoyage de hangar par un Batman très en colère, il n'arrivera malheureusement pas à faire planer autant d'intensité au cours des deux heures de Justice League, dispensant des scènes d'actions efficaces, mais bien en-deçà de ce dont le bonhomme est réellement capable.


La menace qui plane au dessus du monde prendra la forme de Steppenwolf, un n-ième destructeur de monde à la langue bien pendue. Outre donner corps à un adversaire afin de pouvoir le rosser comme il le faut, Steppenwolf ne marquera pas durablement le registre des antagonistes de super héros tant les séquences impliquant son personnage le cantonneront au rôle de la brute épaisse qui va frapper un peu sur tout le monde.


En définitive un film dont la cadence, trop forcée, ne laisse pas le temps d'apprécier correctement ce panel de nouveau héros, ne cimente pas suffisamment les liens au sein de cette équipe, et expédie aux oubliettes une grande partie du travail effectué au cours des précédents métrages. La faute à la production, trop avide de vouloir rentrer dans le moule d'une autre maison de cinéma ayant déjà fait ses preuves ? Ou à un Snyder diminué du au tragique évènement dont il est victime, remplacé en cours de route, et donnant au film une identité un peu bâtarde ? Le fait est que malgré une séquence post-générique qui pourrait décrocher des sourires, on ne peut s'empêcher de songer au gâchis que représente ce Justice League en l'état, qui aurait pu représenter un spectacle de bien meilleure facture et amorcer un retour en force de la franchise DC auprès du public.

Lestiboudois
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le 16 nov. 2017

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