Kaboom déconcerte, Kaboom suprend, Kaboom est barré, Kaboom est juste. Grâce à une absurdité totalement assumée, Gregg Araki arrive à aborder des thèmes qui paraissent lui être chers et fait renaître un genre mort né : le teen movie. Sur fond de fin du monde, de jeunes gens découvrent les joies de leur condition, le sexe, l'amour, le complot, la fatalité, les drogues, l'université bref, tout ce que l'Amérique et son puritanisme a du mal à exprimer sans devoir se rétracter rapidement dans une morale insipide.

Gregg Araki s'affranchit de tous les codes, via l'absurdité des situations d'abord. Tout est absolument exagéré, le complot incroyable et paradoxalement bien réel, les fantasmes et les personnages, les twists consécutifs, les rencontres fortuites prévues par avance, les meurtres, l'indifférence, tout mène à comprendre que la jeunesse est dans un autre monde : elle n'est pas juste irresponsable, elle hallucine, elle est déconnectée du monde. C'est comme ça, c'est grisant et ça plait. Comme un rite d'initiation à l'âge adulte, les personnages passent par l'université et en très peu de temps sont décontenancés devant tant d'étrangeté : la sorcière nymphomane particulièrement.

L'absurdité des relations, sexuelles ou non aussi. Les personnages n'ont pas d'identité sexuelle particulière, on ne les enferme pas dans des catégories à cause de ça mais bel et bien à cause d'eux mêmes, en en faisant une abstraction totale. Les héros fantasment, se livrent aux autres et ça peut choquer ou non. Même lorsqu'on découvre l'inceste entre deux d'entre eux, on ne peut considérer que la chose comme quelque chose de banal dans cet univers si particulier. Gregg Araki de la sorte peut sortir de la vision trop schématisée de la sexualité, sans jamais pour autant se moquer d'un tel ou d'un autre : tout est cocasse, on rit franchement et venant des États-Unis, ça surprend agréablement.

Enfin, l'absurdité de l'histoire. Au départ simple teen movie, on part vite dans un scénario complètement barré, idiot, improbable voire impossible où chaque personnage peut se révéler être un autre, changer du jour au lendemain et où leurs statuts ne sont jamais acquis : même les idiots peuvent prouver qu'ils sont autre chose. Légèrement flippant par moment lorsque le héros est témoin de meurtres par des personnes aux masques d'animaux, la conspiration contée par le film est digne d'une série B made in nanarland. Pourtant, il fallait bien ça pour cadrer avec l'histoire en général et une situation initiale un peu folle. Loin des teen movies habituels, la fin permet même d'éviter toute morale, tout retour à la normale, pas d'excuses, ce qui est fait est indélébile et les évènements survenus et survenant sont bien réels.

Pourtant jusqu'à la fin, on peut rire de ce qui va se passer, on ne connait pas l'échappatoire même si on peut s'en douter, on s'en fiche, on a passé un bon moment. Et si le film va parfois trop loin, c'est vrai, l'esthétique est superbe, ces gros plans rendant la vision inévitable de ce qui va survenir et permettant aux acteurs de jouer d'un faciès parfois hilarant (On pense notamment à Thor, débile au possible). Vivement la suite de la filmographie d'un réalisateur qui semble un peu à part.
Carlit0
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes La fin du Monde, autrement, Apologie de l'absurde, Les meilleurs films se déroulant sur un campus et Les meilleurs films sur l'adolescence

Créée

le 11 mai 2012

Critique lue 440 fois

4 j'aime

8 commentaires

Carlit0

Écrit par

Critique lue 440 fois

4
8

D'autres avis sur Kaboom

Kaboom
Chaiev
5

Fac Simulée

J'aurais dû aimer Kaboom : un film de campus, et qui plus est un campus rempli de canons qui ne pensent qu'à ça, des dialogues inspirés, une histoire de complot, un second degré permanent, sur le...

le 28 nov. 2010

79 j'aime

33

Kaboom
Rakanishu
7

Critique de Kaboom par Rakanishu

Pas facile de critiquer Kaboom. C'est un peu un film nul, mais assumé. A savoir que le film part dans le grand grand n'importe quoi, que les 10 dernières minutes sont dignes d'un David Lynch pris de...

le 10 oct. 2010

77 j'aime

6

Kaboom
New_Born
6

Naissance de Kaboom..

- Bonjour monsieur.. ? - Araki. Gregg Araki. - Ah c'est vous! Entrez donc. Vous pouvez vous asseoir. Prenez la chaise, là. - Merci. Vous êtes? - Appelez-moi Phil. - Vous n'auriez pas quelque chose à...

le 2 avr. 2013

52 j'aime

12

Du même critique

Holy Motors
Carlit0
2

Monsieur Merde

Depuis Cannes, à peu près toutes les critiques vantent les mérites d'un réalisateur de retour après onze années d'absence des plateaux de tournage : Leos Carax. Scandale totale dans la presse,...

le 13 juil. 2012

27 j'aime

24

Jules et Jim
Carlit0
3

Jeanne Moreau, ses plans culs, son égoïsme et le reste du monde

Je ne connais que très peu l'œuvre de François Truffaut et si les 400 coups m'a véritablement emballé, l'homme qui aimait les femmes a été un grande déception. Et quand tout le monde m'a parlé de...

le 11 janv. 2012

26 j'aime

Les Anges déchus
Carlit0
9

Les amours impossibles

Se plonger dans le cinéma asiatique, c’est a priori, devoir découvrir plus en profondeur l’œuvre de l’un de ses maîtres : Wong Kar Wai. Car si In the Mood for Love est magistral, emplie d’une beauté...

le 4 févr. 2013

20 j'aime

8