« Tano » nous livre un véritable chef d’œuvre du cinéma contemporain. Kagemusha est l’histoire d’un double qui se substitue au seigneur Shingen Takeda afin de respecter ses dernières volontés. Le film nous dévoile toutes les craintes et les angoisses encourues par les sosies, leur existence au service de l’autre sans pouvoir l’être vraiment. Comme le kagemusha en question n’est qu’un « simple » paysan, on rencontre des situations cocasses où le double est pris au dépourvu. Pour Kagemusha, Kurosawa n’a pas lésiné sur les moyens en employant une multitude de costumes dont il se servira plus tard pour Ran. On a vraiment l’impression d’y être dans ce Japon féodal empreint de tradition et de code d’honneur, mais où la guerre est aussi omniprésente. Certains ont regretté la défection de Shintaro Katsu (Zatoichi) pour le rôle de Shingen, car il aurait pu amener une certaine folie au rôle en question, mais je trouve personnellement que Tatsuya Nakadai a parfaitement assumé son statut en nous livrant une prestation remarquable. Les autres personnages dégagent un certain charisme, mais aussi de la particularité grâce à leurs habits hauts en couleur. Pour ma part, la réalisation est parfaite, avec de longs plans fixes tournés comme des scènes de théâtre. Les scènes marquantes sont nombreuses : je citerai d’abord la course folle du messager parcourant à vive allure les diverses troupes aux couleurs chatoyantes, ensuite le plan du début mettant en scène Shingen et ses deux kagemusha, et enfin lorsque le fils impétueux réfléchit à ce qu’il doit faire avec les dires avisés de son conseiller, le vent soufflant magistralement sur leurs tuniques. La minutie apportée aux images nous donne presque l’étrange sentiment de faire face à une succession de toiles de peintures tant le décor présent dans Kagemusha est majestueux. Kurosawa prend aussi un certain plaisir à jouer avec les couleurs tel un apprenti alchimiste. Il y a non plus rien à dire sur le scénario qui est très bien ficelé et qui reste toujours cohérent dans son déroulement. Malgré son âge important lors de ce tournage, Kurosawa a su redonner un second souffle à sa carrière grâce à Kagemusha, un chef d’œuvre empli de force et de vigueur.

HideliriumRB
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le 17 janv. 2015

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HideliriumRB

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