Chef d'Oeuvre !

Kagemusha : l’Ombre du Guerrier, est l’un des meilleurs films de tous les temps, une fresque épique, un drame intense et un incroyable film de guerre. Akira Kurosawa aura pourtant eu du mal à financer ce chef d’œuvre au pays du soleil levant. Avec bonheur, des fans inconditionnels américains et pas des moindres, lui sont venu en aide. Les grands Georges Lucas et Francis Ford Coppola, ont réussi à faire financer le projet par les studios Twentieth Century Fox à hauteur de 1,5 million de dollars, une somme qui viendra compléter le budget initial japonais de 5 millions de dollars. C’est alors le plus gros financement cinématographique qui se profile dans l’archipel Nippone, ceci dit, le tournage rencontra de nombreux pépins (blessures, météo, retards), le projet devient rapidement une inquiétude pour les producteurs qui doivent remettre la main au porte-monnaie. Ces derniers prédisent un flop, allant même jusqu’à annoncer la fin de carrière du cinéaste. Le budget finale finit par s’élever à 9 millions de dollars, mais ouf ! Le film est un succès international nommé et multi-récompenser à travers des remises de prix de par le monde, dont la Palme d’or du Festival de Cannes et le César du Meilleur Film Étranger en 1980 et 1981.
Le film traite en partie de faits historiques réels, relatant la mort de Shingen Takeda ou encore la bataille de Nagashino en 1575. Le titre français est très explicite, la définition du mot japonais Kagemusha symbolise une doublure, à laquelle l’ombre du guerrier fait référence.
Shingen Takeda blessé mortellement sur le champ de bataille fait promettre à ses généraux de cacher sa mort prochaine, pendant 3 ans et d’imposer sa doublure afin que les ennemis de son clan, le croient toujours vivant. C’est le comédien Tatsuya Nakadai, qui se saisi des deux rôles, remplaçant l’acteur fétiche de Kurosawa (Toshiro Mifune) en cours de production. Nakadai, s’impose par la suite comme le principal rival de Mifune dans le cinéma japonais, allant jusqu’à prendre la place de favori du cinéaste, suite à de nombreux conflits avec Mifune.
Kurosawa, sort d’une importante dépression, ce projet ambitieux est pour lui une renaissance après sa tentative de suicide et avec l’aide apportée par ses amis Coppola et Lucas, il concrétise une ébauche qui l’a mis sur pied pendant cinq ans.
Le film se dévoile sous d’importantes scènes de batailles, des couleurs flamboyantes et des costumes magnifiques. L’intrigue est subtile, elle développe rapidement la place que peut avoir le devoir et le code d’honneur dans la culture japonaise. On se trouve saisi par l’angoisse et le destin auquel se trouve confronté la doublure de ce guerrier légendaire, sa rédemption et sa dignité ne font qu’accroitre notre curiosité. Le suspense est habilement maitrisé, à chaque instant le secret risque de se dévoiler rendant la mélancolie de l’œuvre encore plus riche et intense.
Les interprétations sont superbes, et le point, le plus spectaculaire, demeure, l’esthétisme et le recours aux nombreux détails, ainsi qu'aux incroyables mises en scène d’un cinéaste de génie. La musique, les dialogues et l’ajustement des couleurs viennent combler la rétine et l’ouïe des spectateurs, l’ambition titanesque de Kurosawa ne laisse pas sur sa faim, offrant à la fois un drame épique et un époustouflant film de guerre tournée en décors naturels.
Ce film est un chef d’œuvre et nul ne doit en douter.