Une jeunesse en perdition.
Voilà peut-être l'expression qui résume le mieux "Ken Park". Un thème maintes et maintes fois exploré dans le cinéma, de façon intelligente et pertinente ("Virgin Suicides" de Sofia Coppola, "Elephant" de Gus Van Sant, "Requiem For A Dream" d'Aronofsky) ou de façon succincte et maladroite ("2H37", "Spring Breakers" dans des thèmes très éloignés).
"Ken Park" est connu de réputation, une réputation qui, à mon avis, nuit à son statut. Une notoriété dû à des scènes érotiques explicites, dont une masturbation complète, assez stupéfiante. Sorties de leur contexte, ces scènes perdent tout de leur signification.
Le sexe est l'objet premier du long-métrage. Il conclut chacune des quatre histoires, il se veut brutal, néfaste ou - à l'inverse -, doux et sensuel. La scène finale, long threesome sert de rédemption aux personnages : ils se rachètent, communiquent leur douleur pour n'en faire qu'une et la faire disparaître.
"Ken Park" pose un regard sur le quotidien de quatre adolescents (cinq si on compte le premier). Des adolescents victimes, emprisonnés dans des traditions ou actions dont ils perdent peu à peu le contrôle. Les problèmes abordés sont graves, mais les réalisateurs ne tombent jamais dans le pathétique, offrant un regarde neutre, laissant faire sans intervenir (absence de musique lente et nostalgique, typique des moments dramatiques). Certaines scènes sont particulièrement fortes, où, avec peu de mots, les acteurs transmettent leur mal-être, leur tristesse. C'est le cas du dernier plan, où on voit le jeune Ken Park sur un banc, avec sa petite-amie récemment tombée en enceinte. Son visage est fermé, dur, renfermant une douleur immense (ce qui conduira à son suicide, visible au début du film). On peut aussi citer le cunnilingus, d'une beauté étonnante et particulièrement sensuelle (les atouts de la belle blonde aident beaucoup).
Pourtant, tout n'est pas noir dans "Ken Park". Comme je le disais plus haut, la rédemption est un des points d'entrée du film. La fin est heureuse. Non un vulgaire happy-end. Juste un court moment de répit, quelque chose de quasiment ésotérique. L'unisson des corps, l'aide pour accéder à un monde meilleur.
Sur les cinq adolescents, seul trois ont survécus. Ils ont survécus, certes, mais au prix de nombreux sacrifices futurs (mariage, honte, ambiguïté). Retardement de la douleur, moment de répit.
Si "Ken Park" est riche en symboles et en interprétations, il manque -quelques fois- de rythme. Certains plans, assez longs, n'arrivent pas à susciter un quelconque ressenti. C'est fort dommage car le long-métrage aurait beaucoup gagné.
Un film fort intéressant, mettant en scène une jeunesse à la dérive, qui essaye de vivre malgré les obstacles grâce à des moyens divers et variés, essayent de ne pas tomber dans la marmite.
"I killed my grandfather, because he is a cheater who likes to tell war stories, and I killed my grandmother because she's a passive-aggressive bitch who doesn't respect my privacy."