Kiki la petite sorcière
7.3
Kiki la petite sorcière

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1989)

Miyazaki pourrait bien me réconcilier avec les enfants au cinéma. Après les adorables protagonistes du Château dans le ciel, le maître de l'animation japonaise continue d'explorer l'apprentissage et la voie vers la vie d'adulte avec Kiki la petite sorcière. Et ce qu'il y a de particulièrement intéressant avec ce film, c'est que c'est un véritable grand écart cinématographique. Miyazaki fait le choix d'adapter une histoire de sorcière moderne et de faire du principal enjeu... la vie ! Ni plus ni moins que la vie qui suit son cours. À l'âge de 13 ans, la jeune sorcière Kiki doit quitter sa famille et son village de campagne pour trouver une ville où elle pourra devenir une vraie sorcière accomplie. Il n'est pas question ici d'aller s'enfermer dans un château gothique rempli d'enfants à chapeaux pointus pour tuer un gros serpent dans une cave vaguement BDSM, mais "seulement" de trouver un travail pour apprendre la vie d'adulte. Afin de faire entrer le spectateur directement dans l'univers du film pour passer à l'histoire au plus vite, Miyazaki a fait le choix risqué mais payant de bâtir un monde qui mélange énormément de cultures. Si du Japon on retiendra l'importance des valeurs ancestrales qui sont à la base de l'histoire, la ville de Koriko, où Kiki fait son apprentissage, est un beau mélange de plusieurs pays et cultures. Des maisons allemandes encerclent des boutiques aux allures parisiennes, sur lesquelles ont peu lire de l'italien, de l'anglais et du français. De l'aveu de Miyazaki, la plus grande inspiration pour cette ville (très) européenne est d'ailleurs la Suède. Ce mélange des cultures a pour effet de donner à l'histoire une saveur plus universelle, pas besoin d'expliquer ce monde où les sorcières existent et sont soumises au même lois que les automobilistes, on s'attache surtout au parcours de Kiki, un parcours que tout le monde est amené à vivre, le passage à l'âge adulte. Pour ce faire, la sorcière en herbe va devoir s'adapter à la vie citadine. J'ignore si Miyazaki a vu Midnight Cowboy, mais cadrer constamment les passants en même temps que Kiki est une très bonne idée pour montrer le décalage entre cette sorcière venue de la campagne et les habitants habitués de la ville, qui ne savent pas quoi penser d'une gamine qui vole sur un balai. Ainsi l'enjeu et antagoniste de Kiki, c'est encore une fois la vie. Livrer à temps, se faire aux contraintes météorologiques... On pouvait reprocher à Mon voinsin Totoro son manque d'enjeu, tant il se focalisait tout simplement sur l'été de deux sœurs, ici Miyazaki prend plus à bras le corps son sujet et s'empare d'une imagerie novatrice et pourtant bien connue, pour raconter une fable finalement très réaliste. On ne s'ennuie jamais devant Kiki la petite sorcière.


Quant aux thèmes "Miyzakien" présents dans le film, on retrouve bien sûr la femme forte alors qu'à priori faible, ici c'est simple elle donne son nom au film : Kiki est une petite sorcière, et pourtant elle ne recule devant AUCUN obstacle pour parvenir à ses fins. Si elle doit livrer un colis elle y arrivera, si elle peut aider elle aidera. Elle est attachante, débordante d’enthousiasme, et pendant ses baisses de régime, on a juste envie de la voir se lever pour affronter l'adversité. Sans parler du personnage d'Osono, femme enceinte mais toujours aux fourneaux à pleins temps et dont l'homme qui travaille avec elle ne sert avant tout que pour ses gros bras.


L'aviation fait évidemment parti du lot, au travers du personnage de Tombo, incarnation explicite d'un Miyazaki enfant qui rêvait de partir à la conquête des nuages. Je trouve d'ailleurs formidable le parrallèle entre la perte des pouvoirs de Kiki et l'inspiration artistique. Le personnage de la peintre est, à ce niveau-là, vraiment superbe et très bien travaillée, ses scènes avec Kiki étant parmi les meilleures du film. La métaphore prend encore plus de sens quand on sait que Miyazaki a lui même mis du temps à trouver son style. Cette excellente idée n'avait peut-être même pas besoin d'être exprimée par la scène d'action finale, pas nécessaire selon moi. Mais c'est le seul nuage dans un ciel radieusement bleu, car Kiki la petite sorcière est un film fabuleux sur le passage à l'âge adulte, le travail et... la vie au bout du compte !

MrRenton
9
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le 1 juil. 2020

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MrRenton

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