Kill Your Darlings - Obsession meurtrière
6.3
Kill Your Darlings - Obsession meurtrière

Film DTV (direct-to-video) de John Krokidas (2013)

Pas besoin d'avoir de connaissances précises sur la beat génération pour comprendre le film, ni d'être un fanatique invétéré du sorcier à lunettes pour l'apprécier. Évidemment je dis ça, mais ce sont les deux raisons qui m'ont poussées à me coller devant ma télé alors que la vie, la vraie m'attendait dehors.
Bref, si certains passages, notamment ceux où Radcliffe et ses amis débitent les vers qui leurs viennent à la bouche sur un fond musical dont on se serait passé, caricaturent quelque peu l'esprit de la beat generation (mais l’adaptation de On The Road de ce bon vieux Kerouac est dans encore plus caricaturale), l'esprit reste pourtant fidèle aux écrivains de l'époque et le film rend grâce à un des poetes américains les plus influents du XXeme siècle dont nous entendons peu parler en France, Allen Ginsberg, interprété ici par Daniel Radcliffe.

Un Radcliffe qui m'avait d'ailleurs profondément exaspéré dans les Harry Potter (notamment du 4 au 6) pour son mauvais jeu d'acteur qui gâchait le plus grand succès littéraire de toute une génération d'enfants. Mes plus plates excuses pour tous les propos désagréables que j'ai pu lui adresser en pensée, Kill Your Darlings m'a fait complètement changer d'avis. Tout comme son compère Dans DeHaan, que je découvrais pour la première fois à l'écran, son personnage m'a vraiment bouleversé, que ce soit par la confusion dans laquelle la recherche de sa sexualité le pousse ou bien l'energie qu'il fait passer à travers les vers qu'il prononce, ou encore le désarroi qu'il éprouve face au comportement de Lucian. Joué par Dans Dehaan, Lucian est un manipulateur hors pair qui n'assume pas son homosexualité au point de provoquer la mort de son ex-(?)amant. Il apparaît aussi que son talent littéraire tiennen plus de son autorité naturelle que d'un véritable don pour l'écriture car c'est bien Ginsberg, Kerouacet Burroughs dont se souviendra l'histoire. Dehaan rend son personnage à la fois attachant par son éternelle confusion entre sa volonté de devenir un homme et de garder une âme d'enfant rebelle, de rejeter en bloc sa liaison avec son professeur car il n'assume pas ses penchants tout en se sentant irrémédiablement attiré et par lui, et par Ginsberg, et détestable quand, se rendant compte de l'influence qu'il exerce sur lui, il s'amuse à manipuler Ginsberg en dénigrant ses écrits pour le faire écrire davantage et en lui faisant miroiter une relation déjà tuée dans l’œuf.

Car bien qu'il dépeigne la vie de quatre auteurs de génie qui ont sû dire non aux dictats de la littérature classique, suivant l'exemple de Whitman, Emerson ou Thoreau, il s'agit également d'un film sur le thème de la découverte de soi, d'apprendre à assumer ses choix tout en respectant qui on est, chose que Lucian ne parviendra pas à faire, au contraire de Allen qui, bien qu'il soit éperduement amoureux de son ami, parvient à prendre la décision qui lui semble la plus juste et reste ainsi en accord ses propres principes.
Combat de la raison contre la passion ? Peut-être, c'est en tout cas un des thèmes abordés et dans le film, et dans par la beat generation elle-même. Un parallèle intéressant d'ailleurs, quand l'on remarque que Kerouac prône la vie vécue dans l'instant, dans le "first thought, best thought", alors que le film montre au contraire que les décisions réfléchies (celle de Ginsberg à la fin) permettent de recadrer un homme perdu dans un style de vie trop intense pour lui.
JackShack
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le 16 août 2014

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JackShack

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