Killer Joe par Patrick Braganti
Pur produit de divertissement que le dernier film du réalisateur de L’Exorciste, qu’on rangera d’évidence aux côtés du No country for old man des frères Coen, tant dans le soin apporté à la mise en scène sidérante d’efficacité et de tenue que dans la construction haletante qui repose sur un scénario incroyablement bien ficelé. On pourra également mettre en commun entre les frères cinéastes de Fargo et le vieux réalisateur qui confessait ces jours derniers ne pas pouvoir aller plus loin, être arrivé au terme d’un cinéma acceptable pour les producteurs hollywoodiens, ce goût pour le gore grand-guignolesque, tellement déréalisé qu’il en devient grotesque, recourant au moins au deuxième degré pour rendre supportable l’explosion de violence qui submerge le spectateur – laquelle sourdait depuis le deuxième tiers du film et constitue en quelque sorte la récompense, la cerise sur le gâteau. Un gâteau savoureux, roboratif, à la limite de l’indigeste, qui pourtant ne laisse aucun poids durable sur l’estomac repu. Il serait bien erroné de chercher un fond à la forme extrêmement élaborée (qui ne doit bien sûr rien au hasard de la part d’un vieil expérimenté comme Friedkin) du côté d’un portrait sociologique de la famille américaine normative. Espérons toutefois que Chris, Dottie et leurs aînés ne représentent pas l’Américain moyen, rongé à la fois par la misère et la bêtise crasse, juste bon à fomenter un complot diabolique. Le trait est ici trop grossier pour que l’intention réelle prétende à dénoncer une situation, y compris par le biais de la farce et de l’outrance. Le jeu appuyé et fort en gueule des acteurs placés au cœur de situations elles-mêmes hors normes participe à l’atmosphère farcesque et divertissante d’un long-métrage qui, par instants, parait se résumer à l’expression affreusement convenue des lubies d’un vieux grigou, excité d’articuler le tout autour d’une lolita affriolante et apparemment innocente, enjeu à son corps pas très longtemps défendant des manœuvres de son grand frère. Pas de quoi affoler les neurones, mais le film n’en procure pas moins un excellent moment de vraie détente.