William Friedkin est l'un des rares réalisateurs qui n'a rien perdu ni de sa mise en scène ni de ce qu'il avait à dire. Avec Killer Joe, il nous prouve une fois encore s'il en était besoin l'immensité de son talent, l'efficacité de sa mise en scène, et l'intelligence de son propos. Redoutable dès la première séquence, sa mise en scène est tout en finesse et en énergie, véritable coup de poing, Friedkin tient son spectateur au creux de sa main du début à la fin, nous laissant pas une seule seconde de répit. C'est sans doute l'un des meilleurs thriller qu'il m'est été donné de voir depuis un sacré bout de temps (si ce n'est pas le meilleur tout court).

//attention spoiler//

Et la subtilité dans tout ça? Car si on a bien un pur divertissement, un film au suspense tenu du début à la fin, à la mise en scène d'une efficacité redoutable, avec quelques effets de style mais point trop n'en faut, notre artiste après tout connait la chanson, on pourrait se demander quel est le sens à donner à ce spectacle jusqu'au boutiste. Comme bien souvent avec Friedkin, il faut chercher dans la perversion, dans le mal s'insinuant en nous. Peut-être est-ce parce que j'ai vu The Secret juste après, mais je rapprocherais ces deux films sur le propos sous-jaçant. Car Killer Joe nous propose le portrait d'une famille pauvre texane, à la fois stupide, crasseuse, prête à tout pour quelques bifton, et assez porté sur les magouilles en tout genre, prêt à laisser leurs instincts ressortirent mais demeurant passablement égoïstes. Les héros sont les enfants, d'un côté Chris garçon débrouillard mais guère malin qui s'embourbe dans des plans foireux pour tenter de s'en sortir, et de l'autre, Dottie encore innocente bien que déjà passablement abîmée par les années de mauvais traitement, alors non ils ne sont pas battu, mais traité comme des moins que rien. C'est le cycle du dénigrement, de l'abêtissement, des mauvais traitement, la répétition de ce cycle, de cet engrenage familial, où les enfants sont voués à répétés les échecs de leurs parents dont parle Friedkin, et de la volonté d'émancipation des enfants, des conséquences que cela aura pour eux. Dottie quand à elle, est sans doute le personnage auquel on s'identifie le plus, car elle a exactement la réaction que n'importe qui a en regardant le film, un magistral wtf final dont je n'en dirais pas plus pour éviter les spoilers.
Sophia
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le 11 sept. 2012

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