Vous ne viendrez plus au KFC par hasard
William Friedkin a débuté sa carrière à la fin des années 60, et a été l'un des fers de lance du Nouvel Hollywood, avec French Connection (1971) et L'Exorciste (1973), aux côtés de réalisateurs majeurs tels que Francis Ford Coppola, Martin Scorsese ou Brian De Palma. Cinéaste de l'excès, la violence malsaine qui habite sa filmographie pourrait faire baver d'envie Gaspar Noé. Quasi-disparu depuis son double coup d'éclat au début des années 70, (à l'exception peut-être du confidentiel Bug), le bonhomme de 77 ans nous revient avec un thriller poussiéreux absolument grotesque de violence au coeur du Texas white trash, et, accessoirement, l'un de ses meilleurs films.
Un mot sur le casting, déroutant à bien des égards. Matthew McConaughey, cantonné au rôle de l'aimant à minette insupportable depuis (en gros) toujours, livre une prestation phénoménale. Sa présence électrise chaque scène, son absence ne peut être que synonyme de mauvaise nouvelle. Premier rôle du prochain Jeff Nichols, Mud et annoncé dans The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese, McConaughey semble prêt à prendre enfin une véritable dimension en tant qu'acteur. Outre ce contre-emploi évident, le choix de Thomas Haden Church (Sideways) pour incarner le père de Chris, personnage sidérant de passivité et de bêtise crasse, est aussi peu évident que génial. L'excellente Juno Temple, malgré sa bouille de gamine ne paraît absolument pas les 12 ans qu'elle est censée avoir dans le film.
Ces choix "étranges" jouent évidemment dans la sensation de malaise procurée par le film. Procéder à des choix d'acteurs plus évidents n'aurait pas souligné l'absurdité du spectacle et aurait pu faire définitivement sombrer dans le ridicule un film qui s'amuse constamment à flirter avec cette limite. En résulte une oeuvre sauvage, macabre et éminemment théâtrale (Killer Joe est adapté de la pièce éponyme de Tracy Letts), dont le caractère absurde apporte un côté joussif malgré l'extrême violence des événements.
Ce diabolique jeu de massacre, entre rire et effroi, devrait rester l'un des films coup de poing de cette année. On peut d'ailleurs, toutes proportions gardées, le rapprocher de l'excellent Balada Triste (Alex de la Iglesia, 2010).