Kingsman fusion pop d’espionnage et de comics des sixties était né de la nostalgie commune de Matthew Vaughn et du scénariste de comics Mark Millar pour les James Bond période Roger Moore avec leurs gadgets, leurs méchants mégalomanes et leurs bases secrètes, regrettant la disparition de leur ton léger dans les aventures récentes de 007. Il y a donc quelque chose de naturel à ce que Kingsman : le Cercle d’Or souffre des mêmes défauts que certains opus de cette ère à la manière d’ un Moonraker après le succès de L’Espion qui m’aimait. Comme tout Bond-like le film s’ouvre sur une séquence dédiée à l’action: une spectaculaire poursuite automobile, lors de laquelle Eggsy (Taron Egerton) affronte dans son taxi un agent recalé du programme Kingsman (Edward Holcroft). La caméra virtuelle enragée de Matthew Vaughn virevolte entre les combattants (sur Let’s Go crazy de Prince) dans une démonstration impressionnante qui rappelle le style de Sam Raimi ou les films Hong Kongais des années quatre-vingt-dix. Après cette introduction nous plongeons dans le quotidien d’Eggsy, la racaille devenu espion, qui partage son temps entre ses missions, ses potes et la princesse Tilde (Hanna Alström) avec qui il est désormais en couple depuis qu’il l’a sauvée dans le climax du premier film. Ce retour surprenant semble être une réponse de Vaughn et de sa coscénariste (depuis Stardust) Jane Goldman au procès en sexisme de spectateurs offensés par le gag graveleux qui marquait l’introduction (hum) du personnage dans le précédent opus. L’irruption de cette relation monogame dans la vie de cet archétype Bondien est une des meilleures idées de cette suite car elle créé un dilemme intéressant pour notre héros que sa mission oblige à des « rapprochements » avec des cibles comme la maîtresse de son assaillant (Poppy Delevingne). La ressemblance entre cette dernière et January Jones l’actrice de X-Men First Class avec lequel la rumeur prétend que Vaughn aurait eu une aventure rend cette intrigue assez troublante (d’autant que la princesse Tilde rappelle énormément Claudia Schiffer épouse de Vaughn qui co-produit le film et sert de modèle à un robot (!)). Alors qu’Eggsy rencontre dans leurs palais les parents de sa fiancée, les agents et les infrastructures de Kingsman sont décimés par une attaque au missile fomentée par le Cercle d’Or tentaculaire cartel qui contrôle l’intégralité du trafic de drogue dans le Monde. Ce raid laisse comme derniers survivants et représentants de l’agence Eggsy et Merlin (Mark Strong). Dans un besoin désespéré d’alliés ils s’adressent aux homologues américains de Kingsman, Statesman (qui a pour couverture une entreprise de spiritueux) afin de déjouer le plan de Poppy (Julianne Moore) leader du Cercle d’Or qui a contaminé des millions de consommateurs pour contraindre les états à légaliser sa production.


Matthew Vaughn s’est toujours montré réticent à donner suite à ses succès (il ne fit que produire Kick-Ass 2 et se retira de X-Men Days of Future Past lors de sa pré-production) il dit avoir fait une exception pour Kingsman, parce qu’il souhaitait retrouver des personnages auxquels il s’était attaché et étendre leur univers. Pourtant privé de la matrice du « My fair lady chez les espions » du premier film, Kingsman : Le Cercle d’Or n’échappe pas au syndrome de ces suites qui revisitent/remixent les moments mémorables de l’original tentant de les surpasser en poussant les curseurs. Si des séquences comme une confrontation dans une station de ski (qui rend hommage à la fois à Au Service Secret de sa Majesté et à L’Espion qui m’aimait) sont indéniablement spectaculaires aucune n’égale celle de l’Église dans l’original et Le Cercle d’Or manque de personnage iconique comme Gazelle ou de surprises comme la mort brutale de Harry Hart (Colin Firth). Le retour de ce dernier (nous ne divulgâchons rien ici tant Firth est présent dans le marketing du film) et la question de savoir s’il va retrouver toutes ses capacités sert de moteur narratif au film en parallèle d’une course contre la montre pour déjouer le plan de Poppy. Matthew Vaughn est le réalisateur qui a peut-être la plus grande sensibilité pour la narration propre aux comics dont il assume les aspects les plus feuilletonesques, dans ce contexte cette résurrection (dont nous ne dévoilerons pas les circonstances) est amenée de manière parfaitement organique même si elle invalide le moment le plus marquant de l’original. La sincérité de Vaughn rend ses excès excusables ainsi chaque élément grossier ou déplacé (comme cette scène où Eggsy doit introduire un traceur dans l’intimité de Poppy Delevingne) est compensé par une réplique hilarante, un concept original ou un plan marquant.


Les nouveaux personnages de cet épisode sont réussis et portés par des comédiens qui semblent s’amuser même dans de petits rôles. Le marketing du film est en effet trompeur car la plupart des vedettes qui composent les Statesmen comme Jeff Bridges , Channing Tatum (même si le film tease une participation plus active à un éventuel troisième volet) et dans une moindre mesure Halle Berry ne font que des apparitions étendues. C’est Pedro Pascal, connu pour Game of Thrones et Narcos, qui tient la vedette dans le rôle de l’agent Whiskey adepte du lasso au look très inspiré du Burt Reynolds de Smokey and the Bandit et fait équipe avec Eggsy et son mentor (on se souvient que Roger Moore au temps de leur gloires respectives participa aux coté de Reynolds au film The Cannonball Run bouclant ainsi la boucle méta textuelle). Prenant la succession de Samuel L. Jackson dans le rôle de la méchante Julianne Moore, est parfaite en Desperate Housewife à la jovialité venimeuse qui a fait bâtir dans son repère niché dans les ruines d’une ancienne civilisation au cœur de la jungle cambodgienne un parc à thème sur les années cinquante, où elle a reproduit une salle de bowling, un restaurant qui lui sert de bureau et un auditorium où elle retient en otage une célèbre pop-star (qui joue son propre rôle et s’octroie les moments parmi les plus drôles du film). Son introduction lors d’une séquence où elle « initie » un nouveau membre du Cercle d’Or est particulièrement marquante (tout en rendant hommage à un trope des James Bond). Comme celui de Valentine dans le premier Kingsman son plan part d’une intention louable même s’il implique un génocide et la réaction du président américain (joué par le toujours excellent Bruce Greenwood ) à celui-ci semble presque plausible dans les circonstances actuelles conférant à cette suite un aspect satirique.


Le final du film, une scène d’action non-stop fait un excellent usage d’un standard d’Elton John, mais Vaughn dans sa volonté du « toujours plus » l’étire jusqu’à en désamorcer l’efficacité ruinant certains gags pourtant réussis à force de répétition. A l’image de son climax , le film, d’une durée inutilement longue de 141 minutes aurait gagné à être plus condensé.
Malgré tout Kingsman le Cercle d’Or à la fois épuisant et exaltant demeure une suite pleinement satisfaisante même si elle ne retrouve jamais le charme de l’original.

PatriceSteibel
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le 26 sept. 2017

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PatriceSteibel

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