Kingsman - Services secrets par Wykydtron IV
Avec ses airs de blockbuster clinquant, assez crétin dans son principe, nous proposant l'histoire d'un voyou qui découvre qu'il peut devenir espion et avoir accès à des gadgets trop cools, Kingsman est typiquement le genre de film que je ne serais pas allé voir... s'il n'y avait pas Mark Millar et Matthew Vaughn derrière. L'un est auteur du comic, l'autre le réalisateur de l'adaptation ciné, tout comme pour Kick-ass. Ce dernier était un divertissement grand public, mais du divertissement de génie.
J'avais pour l'occasion acheté et lu le comic Kingsman, assez décevant, mais le film semblait pousser plus loin le délire, et exploiter davantage certaines idées qui ne l'étaient pas assez dans la version papier.
Vaughn et sa co-scénariste Jane Goldman sont décidément très bons pour faire des adaptations tout en intégrant des idées nouvelles. Kingsman est plein d'idées décalées, de petites originalités brillantes, qui donnent une côté particulier aussi bien au film qu'à ses personnages.
Samuel L. Jackson en méchant qui se sert de la violence par nécessité mais qui a peur du sang, et qui a un léger zozotement en permanence (une idée de l’acteur, tout comme pour la façon de parler de Nicolas Cage dans Kick-ass) ; le personnage de Gazelle, qui d'un garde du corps black avec simplement des prothèses aux jambes, devient dans le film une femme avec des jambes-épées... c'est brillant.
En revanche Eggsy, le héros, reste à peu près le même, un voyou de la banlieue anglaise, qui se retrouve dans un milieu d’espions. C’est un truc qu’on ne voit jamais dans les films à la James Bond, où les espions sont des gentlemen : qu’est-ce qui se passe quand un type issu d’un milieu défavorisé se retrouve parmi les nobles ? Ici, c’est lui le héros, et ce qui est appréciable, c’est que l’idée n’est pas employée de façon parodique, l’intégration du personnage parmi les autres se fait au premier degré, et ça suffit à être amusant.
Pour pratiquement tout ce qu’il reprend du comic, le film fait mieux. Pour exemple, la séquence de drague en club, où la simple idée de donner à tous la même cible rend le principe 10 fois plus fun.
Je regrette uniquement que la séquence d’intro ne soit pas aussi audacieuse et inattendue que dans le comic, que l’on n’ait plus cette idée du nerd qui kidnappe toutes les stars qu’il adule, et c’est un détail, mais la scène de l’échange de verres (ce n’est pas vraiment un spoiler, ça se voit venir de loin) est pour moi bien moins efficace ici, étant donné que dans le comic, on ne le découvre qu’après-coup.
Autrement, j’ai été ravi de voir que les candidats autres qu’Eggsy avaient, là, une vraie personnalité et étaient bien exploités. Et j’ai beaucoup apprécié le fait qu’on prenne à contrepied le schéma classique et qu’avec cette autre candidate pour faire partie de Kingsman, Eggsy ne garde qu’une relation amicale au final.
Tout en s’écartant du comic, en ajoutant des idées, ou en en substituant certaines par d’autres, Vaughn et Goldman arrivent quand même toujours, d’une façon ou d’une autre, à rejoindre la version papier de Kingsman sur des points d’intrigues importants, et ça aussi c’est assez fort. En ayant lu le matériel d’origine, on peut se rendre compte du talent dans le remaniement de certains éléments, comme la raison de l’intégration d’Eggsy parmi Kingsman, ou le déplacement du règlement de comptes avec le beau-père, dont les enjeux sont mieux gérés dans le film.
J’ai aussi eu la surprise de quelques twists bien pensés. Mais assurément, la plus grosse surprise, et la séquence la plus jouissive du film, c’est cette série d’explosions (je n’en dis pas plus ; ceux qui ont vu ça sauront sans aucun doute de quoi je parle).
Matthew Vaughn sait décidément comment rendre la violence fun, tout en faisant oublier tous les problèmes moraux. Ça se joue dans le rythme impeccable, le dynamisme impressionnant des scènes.
Je me suis, tout de même, moins éclaté que devant Kick-ass (mais ça, je m’y attendais) ; Kingsman m’a un peu moins bluffé, à la fois visuellement et musicalement.
Visuellement, je regrette l’usage totalement gratuit de certains effets spéciaux, ces gros plans sur un gadget envoyé sur un ennemi, ce zoom sur un micro avec la caméra passant à l’intérieur, … c’est d’un mauvais goût qui m’a rappelé "Piège à Hong-Kong" de Tsui Hark, et disposer de meilleurs FX ne signifie pas que l’idée fait moins cheap.
Concernant la BO, j’ai trouvé les compositions assez génériques, contrairement aux musiques totalement marquantes de Kick-ass, et les choix de chansons pré-existantes un peu moins inventifs. Le background de hooligan du héros fait qu’on a même droit à une musique électro un peu irritante, lors d’une scène.
Kingsman est tout de même un très bon divertissement, réaffirmant le talent de Matthew Vaughn pour ce type de film : du divertissement populaire, mais du divertissement populaire de haute qualité, inventif et bien foutu.
PS : Il y a chez Valentine le même tableau de flingue que dans le bureau de Frank D'Amico, dans Kick-ass.