Dans la famille des films d'espionnage parodiques, je voudrai le roi. Dans cette famille, de la même parenté et pourtant tellement différents, on trouve des Austin Powers, des OSS 117 ou des Johnny English. Pourquoi Kingsman se démarque de sa fratrie et impose son identité propre ?



Matthew Vaughn, à la tête du projet, adepte de l'adaptation de comics. Son style très visuel convient parfaitement à ce genre d'histoire. En plus d'être derrière la caméra, il s'offre aussi le luxe d'écrire le scénario de ses films, ce qui lui permet d'imprimer sa patte, un mélange d'action, de comédie et de drame.



Sur une trame très jamesbondienne, le grand méchant veut éradiquer une frange de la population mondiale, Vaughn greffe une solide (mais basique) histoire de filiation entre un fils orphelin et un super agent rongé par la culpabilité. On ajoute pour lier des éléments de films d'équipe, avec entraînements et épreuves éliminatoires (un thème récurent chez Vaugnh) et on obtient un joyeux spectacle bien calibré pour divertir pendant deux heures.


La force de Kingsman est de varier les genres en gardant toujours l'équilibre, que se soit dans l'intensité ou la narration. Vaughn n'en fait (presque) jamais trop, il se garde bien de trop en faire ce qui est extrêmement tentant sur ce style de production avec un budget que l'on imagine aisé. Classique dans ses thèmes, ni complètement décalé ni trop sérieux, ce divertissement évite de justesse l'épithète familiale par certaines scènes plutôt gore. Les scènes de baston, gun fight ou mêlée, sont radicales et hyper violentes. Esthétiques, elles profitent de découpages très bd et de membres divers.


Les acteurs se cantonnent à leur fonction sans verser dans le cabotinage qui pourtant était alléchant. Même Samuel Jackson surprend par sa sobriété dans ce rôle de méchant hématophobe. Firth assure dans ses costumes sur mesure et distribue punch lines et mandales avec générosité. Même Taron Egerton tire son épingle à cravate du jeu et incarne un jeune paumé avec une certaine retenue. Evidemment, il ne faut pas chercher une quelconque finesse psychologique dans ces enchaînements de bravoure, mais les rôles sont suffisamment bien écrits pour ne pas tomber dans le ridicule ni le caricatural.


Il y a un côté jubilatoire dans ce film, comme ces friandises acidulés qui cachent un cœur un peu fade sous une surface pétillante. Vaughn a l'art de faire monter la pression, de mettre en scène avec talent la tension qui va déboucher sur l'action. Plusieurs scènes prouvent cette maîtrise de la préparation. La démentielle scène de l'église, spectaculaire dans sa mise en scène, est surtout une explosion de plaisir cinéphile car elle est amenée avec brio. Vaughn sait gravir les échelons qui mène au climax avec méthode et qui procure chez le spectateur un plaisir coupable. Cette tuerie sur fond de Lynyrd Skynyrd est finalement un peu vaine mais la façon dont le réalisateur l'introduit lui accorde toute sa légitimité.

Kingsman, à l'instar du beaucoup plus sérieux Skyfall de Sam Mendès, est un film qui ne cache pas ses élans de mélancolie. Malgré sa modernité apparente et la mort des anciennes figures (mort des personnages représentants les vieilles traditions), Vaughn montre bien sa nostalgie pour cette époque qui la vue grandir. Car chez Kingsman, sous cette froideur et cruauté apparentes se cache un fond humaniste où contrairement aux apparences personne ne meure noyé, tout le monde a un parachute et où l'on tue son plus fidèle compagnon avec une balle... à blanc.

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le 9 mars 2015

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Alyson Jensen

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