Klaus
7.7
Klaus

Long-métrage d'animation de Sergio Pablos et Carlos Martínez López (2019)

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Rares sont les films de Noël à renouer véritablement avec la magie des fêtes. Face à la suprématie Disney/Pixar et une flopée de comédies sentimentales DTV de saison, Netflix a réussi cette année à dénicher cette petite merveille venue d'Espagne. Ancien animateur officiant pour la firme aux grandes oreilles (il aura travaillé sur la plupart des productions animées de la fin des années 90 : Le Bossu de Notre dame, Tarzan et Hercule), Sergio Pablos a décidé de se détourner de l'animation 3D actuelle pour développer un projet de film en animation traditionnelle. Pour ce faire, il a imaginé une histoire originale revenant sur les origines de la fête de Noël et de son plus illustre représentant. Bénéficiant du travail de techniciens et d'artistes talentueux, le film n'a pourtant pas trouvé le chemin des salles, la faute à des distributeurs frileux qui voyaient le projet comme trop risqué. C'est finalement Netflix qui acheta les droits du film et le distribua dès novembre dernier en exclusivité sur la plate-forme.


Fils pourri-gâté du directeur de l'Académie postale royale, Jesper est habitué à un certain confort de vie qui l'incite à en faire le moins possible dans la vie. Il profite ainsi d'un stage dans les services postaux pour prendre du bon temps en attendant de revenir dans son luxueux château où l'attend serviteurs et draps de soie. Désespéré par l'attitude de son fils et déterminé à le responsabiliser, le directeur lui pose alors un ultimatum. Le jeune homme dispose d'un an jour pour jour pour ouvrir un bureau de poste dans la bourgade reculée de Smeerensburg et y affranchir 6000 lettres, sans cela son père lui coupera les vivres. Arrivé dans le petit village, après un voyage semé d'embûches, Jesper découvre avec horreur l'inhospitalité de l'endroit : il y fait un froid épouvantable et le village est divisé en deux clans rivaux qui ne cessent de se jouer de mauvais tours et de se battre. Personne n'y fait preuve de la moindre gentillesse et aucun villageois n'envoie jamais de lettre. Même les enfants ne vont pas à l'école.
Perdant tout espoir de réussir sa mission, Jesper rencontre pourtant un vieux menuisier taciturne vivant reclus dans la forêt avoisinante. Les deux hommes vont bientôt s'associer pour rendre le sourire aux enfants du village et les inciter à écrire des lettres au vieux Klaus.


Dès les premiers instants du métrage, on ne peut qu'être conquis par la splendeur et le dynamisme de l'animation. Sur la base d'une intrigue intemporelle, Pablos élabore un conte moral tout aussi décalé que féerique, porté par la drôlerie d'un protagoniste profondément égoïste mais attachant en lequel pourront se reconnaître bon nombre d'enfants gâtés. L'humour ne manque pas tout au long du métrage et nous réserve pas mal de gags bien imaginés. On rigolera d'ailleurs volontiers face à cette accumulation de détails humoristiques dès l'arrivée du héros dans ce village sordide, peuplé de personnages tous plus patibulaires les uns que les autres. Il faut également saluer le soin particulier apporté aux décors "en pics" et aux chara-designs souvent hilarants des personnages (mention spéciale à cette gamine psychopathe qui ne cesse de poignarder les bonhommes de neige avec sa carotte). N'ayant rien à envier aux studios plus "prestigieux", l'équipe d'animateurs élabore un travail remarquable et confère un dynamisme enchanteur à l'ensemble du métrage. Outre l'originalité de son postulat, le réalisateur et scénariste s'empare de deux sujets bien moins simplistes qu'ils n'y paraissent, le scénario du film traitant finalement d'égoïsme, à travers un protagoniste faisant le bien en vue d'une récompense, et auquel le personnage de Klaus ne cesse de rappeler qu'un acte bienveillant et désintéressé en appelle toujours un autre. Le film traite également de la difficulté de communiquer dans une société dominée par le communautarisme et la défiance de l'autre. On en revient ici à une certaine nostalgie des lettres par courrier postal, un moyen de communiquer devenant de plus en plus rare à l'heure des correspondances par mails et autres textos.


Comme l'indique le titre, Klaus est aussi et surtout une manière de revisiter le mythe du Père Noël en lui donnant des origines inédites, celles d'un vieil ermite résigné à la solitude, devenu inconsolable depuis la perte de sa bien-aimée, et qui trouve une raison de vivre dans le bonheur des enfants. En ce sens, la collaboration entre les deux protagonistes ne manque pas de sel et devient le prétexte à bon nombre de gags parfois cruels (mais pour la bonne cause) qui détournent malicieusement le traditionnel "passage par la cheminée". La mécanique narrative reste évidemment prévisible mais ne manque jamais d'idées réjouissantes, et s'achemine avec beaucoup de féerie vers une conclusion si émouvante qu'elle réchauffera les coeurs les plus froids. Klaus n'est rien de moins qu'une petite perle d'animation comme on aimerait en voir plus souvent.

Buddy_Noone
8
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le 26 déc. 2019

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Buddy_Noone

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