A l'heure actuelle, il est parfois de bon ton auprès de certains de critiquer, voire railler Terrence Malick, qui divise toujours un peu plus son public film après film ; pour ma part, ayant tout vu de La Balade Sauvage jusqu'à Tree of Life, je n'ai jamais mis en dessous de 6 et, sans me considérer comme faisant partie des groupies du bonhomme, j'aurais bien envie de le défendre contre ceux qui considèrent comme des tares disgracieuses certains de ses partis pris stylistiques, qui peuvent certes déplaire à certains mais qui ont leurs raisons d'être. C'est vierge de tout a priori que je suis allé voir Knight of Cups, d'autant que la bande-annonce promettait beaucoup, avec ses images impressionnantes, et que les thèmes qui se profilaient (ambition, célébrité, existentialisme...) avaient de quoi être fort intéressants.


Malheureusement, il ne m'a pas fallu attendre longtemps pour m'apercevoir que quelque chose clochait. Que Malick, en cherchant à pousser toujours plus loin ses expérimentation formelles et narratives, semble oublier les valeurs les plus fondamentales d'un bon film, à savoir des personnages, un propos et quelque chose à raconter. Déjà, le personnage incarné par Christian Bale, qui est au cœur du film, est une authentique coquille vide ; au delà qu'on ne sait pas grand chose de lui excepté qu'il est supposé être scénariste de film, il parait dépourvu de toute personnalité et n'a aucune raison particulière d'attirer l'empathie ou l'intérêt du spectateur. De plus, les errances du dit personnage sont fort peu passionnantes. Les diverses relations amoureuses qu'il connaît (avec au moins 4 ou 5 femmes différentes, dont Cate Blanchett et Natalie Portman) semblent dépourvues de toute étincelle d'amour, les quelques scènes de débauche (qui évoquent tout autant La Dolce Vita que Le Loup de Wall Street) n'amusent jamais tant le film baigne mornement dans le premier degré tout au long de son déroulement, et c'est fou comme je me suis senti distant par rapport à tout ce qui pouvait se dérouler à l'écran, à regarder ce qui se passe comme on observerait des poissons dans un aquarium. Il est étonnant que Malick, qui a toujours fait un cinéma placé à hauteur d'homme, nous présente des personnages dépourvus de tout relief, de toute émotion ou humanité.


Mais le pire dans tout ça est surtout l'écriture, absolument risible : les dialogues alternent des banalités affligeantes avec des phrases que tout humain sain d'esprit n'irait jamais dire dans la vraie vie ; quant à la voix-off, élément récurrent des films de Malick, elle fait ni plus ni moins que dans l'auto-caricature pure et simple, avec sa poésie de niveau collège et ses interrogations philosophiques de bas étage (qui suis-je? quel est mon destin? quel est le chemin de ma vie? pourquoi la vie est-elle dure? qu'est-ce que l'amour? Et je n'exagère même pas...) Le revers de la médaille est qu'à plus d'une reprise pendant la séance je n'ai pu m'empêcher de rire, ce qui rendait le film moins ennuyeux qu'il aurait pu l'être. Par ailleurs, je vous avouerai que malgré tous ces griefs, je n'ai pas ressenti de moments de faiblesse ou de souffrance au cours du visionnage, déjà parce que le caractère très elliptique de la narration fait que les scènes n'ont jamais tendance à traîner en longueur, ensuite parce que les images, souvent assez jolies (même si dépourvues de réelle grâce ou poésie, et faisant souvent preuve de symbolisme assez grotesque), aident à faire passer la pilule.


Mais sérieusement, qu'est-ce que Malick a bien voulu essayer de nous dire avec ce machin qui traite de la façon la plus superficielle qui soit des thèmes sur lesquels il ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes (tout en faisant dans la redite)? Vraiment, je n'ai pas pu me retenir de m'esclaffer quand le générique de fin est arrivé, alors que je me suis rendu compte qu'au bout de 2 heures de film, ni la vie du personnage principal ni ses interrogations existentielles n'ont bougé d'un iota, ce qui me paraît être un bon indicateur de la vacuité de l'ensemble. Et par pitié, ne venez pas m'expliquer en commentaire que je n'ai rien compris à la façon dont le film cherche à mettre en lumière la superficialité de la vie de célébrité ou je ne sais quelle autre connerie, car je suis désolé, mais ça ne fonctionne pas du tout. Et j'aurais bien envie de conseiller aux Malickiens irascibles et incorruptibles, qui viendront encore défendre bec et ongles cette oeuvre bâtarde, de prendre la peine de découvrir L'Eclipse d'Antonioni, qui sur des thèmes relativement proches (principalement la façon dont le monde moderne et le matérialisme ont un impact sur nos vies), réussit incomparablement mieux, par rapport à ce Knight of Cups qui n'a rien a dire, et qui le dit mal.

OlivierBottin
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le 15 déc. 2015

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