Koyaanisqatsi
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Koyaanisqatsi

Documentaire de Godfrey Reggio (1983)

Koyaanisqatsi. Vie folle en Hopi. Ne peut être défini selon les critères qu'on applique d'habitude, pas de scénario à proprement parlé, pas de dialogue, pas de continuité ni d'évolution. Simplement un moment de contemplation, accéléré si possible, sur nos existences. Notre société moderne et ses agitations vaines, menant à l'apocalypse, ni plus ni moins.

Au delà du film en lui même le message qu'il porte est un cri lancé dans le vacarme du 20ème siècle, mais il n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, puisque encore aujourd'hui des gens s'en souviennent, découvrent et interprètent ce qu'il veut bien montrer. Et il y a matière à interpréter, déjà le titre aux allures très mystérieuses trouve tout son sens si on daigne chercher par ci par là. Moi même au début je me risquais à parler de Russe ou autres langues barbares, mais non, ça vient tout droit de la langue des Hopis. Et comme les amérindiens sont reconnus pour leurs nombreuses mais pas moins sages prophéties, ceux-là ne dérogent pas à la règle bien sûr.

Vous souvenez-vous du goût amer que vous a laissé 2012 ? Où la pornographie prophétique dégoulinait abondamment de la pellicule, nouvelle mode du moment. Non ici le traitement est plus subtil, et comprend qu'une prophétie n'a pas d'attaches et tend forcément au métaphysique. La jouissance n'en est que meilleure puisque l'imagination s'occupe du reste, le pouvoir de la suggestion est pleinement exploité.

Coppola a eu du flair en produisant Koyaanisqatsi, lui même qui 10 ans avant avait ouvert une brèche en plein Hollywood. Ce n'est pas étonnant que le réal de Apocalypse Now soutienne un tel projet d'auteur. Et le parallèle s'il est grossier n'en n'est pas moins juste, l'humanité et sa décadence sont dans les deux cas la toile métaphysique qui fait tenir le tout. On ne sait pas comment au juste, pourtant force est de constater que ça a sacrément de la gueule.

Là où Koyaa s'éloigne du traitement conventionnel c'est presque dans tout ce qu'il entreprend en fait. L'image et la musique se retrouvent dans une danse macabre qui d'abord ne semble mener à rien si ce n'est l'infini. Dans le fond c'est un bel hommage aux premiers films qui à défaut de chercher à raconter une histoire selon les conventions actuelles le faisaient via l'image, matériau fondamental du cinéma. Chaque plan regorge de sens à condition d'y regarder de près.

La mégapole que l'on suit n'est-elle pas une fourmilière ? Les hommes qui déambulent par centaines ne sont-ils pas des insectes assujettis ? Notre société de calculs, de chiffres, de profit n'est-elle pas gangrénée par l'illusion d'être maître de son existence ? Autant de questions qui ne trouveront pas de réponses claires, seulement bonnes à en engendrer davantage.

Koyaanisqatsi, de sa voix profonde nous dit que cela ne peut durer éternellement. Un jour viendra où l'arrogance de l'homme sera punie par son agonie, et alors personne ne sera là pour le blâmer.
Urkeuse
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le 5 déc. 2013

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