Koyaanisqatsi
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Koyaanisqatsi

Documentaire de Godfrey Reggio (1983)

Ce film est un concentré d'images superbes, que vous ne verrez probablement pas ailleurs. Les plans, les cadrages sont magnifiques et le montage est aux petits oignons, si bien qu'on en est abasourdi. Malheureusement, dans ce concert d'images, le message simpliste du film tombe aussi lourdement qu'un parpaing. Il s'agit, encore et toujours, d'opposer la beauté de la nature à la folie présumée du monde moderne. Au lieu de donner du sens aux images, on leur en ôte. J'avais parfois l'impression de regarder De la servitude moderne de Jean-François Brient, les commentaires en moins.


Le principe du film, c'est de prendre les gens de haut. Les êtres humains sont observés comme des insectes. Même s'il n'y a pas de commentaires, la façon de filmer est explicite, c'est-à-dire délibérément inhumaine. On insiste par exemple sur la répétitivité des mouvements dans une ville. Mais derrière ce recul apparent, se cache un biais holiste superficiel qui ne cherche pas à comprendre pourquoi les choses se passent ainsi. Que font ces pauvres diables qui s'agglutinent au supermarché ou dans le métro ? J'emploie le terme "superficiel" à dessein, car le point de vue porté sur ces mouvements (dont tout est fait pour donner le sentiment de leur absurdité) est avant tout d'ordre esthétique. Préoccupation typiquement petite bourgeoise. Que font donc ces misérables vermisseaux qu'on nous montre dans le film ?
Eh bien ils permettent à Godfrey Reggio de faire son film. Ils ne font rien de moins que de faire marcher la société.


Le film alimentera les fantasmes des maîtres du monde en puissance qui veulent modeler un monde à leur image (par le haut), parmi lesquels ceux qui pensent que "c'était mieux avant" (Quand la technologie et l'industrialisation n'avait pas envahi le monde. Ah le monde était si beau lorsque la majorité vivait dans une misère extrême !) ou de ceux qui pense que "ce sera mieux demain". (Comparant systématiquement l'imperfection de ce qui existe avec la perfection de ce qui n'existe pas.)


Le plus comique est probablement le final, les citations des prophéties amérindiennes, ces éternels éco-philosophes. Ah, le mythe du bon sauvage !


Ma copine, qui porte un jugement plus sévère que moi sur le film, me disait qu'elle avait eu l'impression d'assister à un lavage de cerveau façon Orange mécanique (Souvenez-vous, la scène du traitement !). Il y a un peu de ça.

gio
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le 7 mars 2014

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gio

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