Les documentaires ont de plus en plus le vent en poupe ces temps-ci. Fallait bien qu'à un moment, quelqu'un s'occupe du cas Cobain, remettre la chose un peu au goût du jour. Puis voilà, l'année dernière, c'était les 20 ans de son cadavre.


J'ai beaucoup entendu dire qu'il s'agissait d'un documentaire démystifiant la star, un montage sans concessions aucune, brute de décoffrage. Bah, il n'en est rien. C'est poussif, aucun recul, on sabote toutes les archives à coup de montages et autres effets pompeux (sérieusement, animer ses lettres et ses dessins ?) mais le pire du pire reste ces genre de dessins animés qu'on cale par au dessus les archives sonores. Pourquoi forcer un imaginaire ? L'archive est une source AUDIO, respectez-là bordel, dans la réalité de son existence, il n'y a pas d'images par au dessus. Sans compter le montage à la serpe qui bafoue la chose à la base, on se sent pas mal floué au niveau des interviews. Là, on déplace la réalité de l'archive vers quelque-chose de fantasmé, automatiquement erroné qui n'a strictement rien à voir avec une démarche de pur travail d'archive. Ce film viole les archives, c'est du pillage sans recul, on colle des phrases à Cobain qui, juxtaposés les unes aux autres, créent certes un sens, mais un sens pré-fabriqué. Le problème du film réside bien dans son utilisation des archives auxquelles on colle de force une esthétique maniériste qui participerait d'ailleurs surement aux genres de trucs que le Kurt en question détesterait de son vivant. Monter des archives est une chose extrêmement difficile, qu'on se doit de manipuler avec beaucoup de précautions, d'ailleurs je ne vois personne d'autre qu'un véritable érudit/chercheur qui pourrait s'adonner à ce type d'exercice. En attendant, c'est du viol, comme beaucoup de ce type de films. Les interviews, à la limite, sont intéressantes, mais trop peu nombreuses alors qu'il y avait là matière à recouper les choses, donner le point de vue de chacun sur quelque-chose de précis, ça n'est pas vraiment le cas. En tout cas, c'est Courtney Love qui intrigue le plus, je me demande d'ailleurs si ce serait pas son meilleur rôle dans un film. Non, sérieusement, elle a une présence et un détachement assez étrange durant ses interventions, une ambivalence troublante chez elle qui relance d'ailleurs l'intérêt du film (on va dire que la troisième étoile, c'est pour elle), même si elle n'apparait pas beaucoup.


Du reste, autant si le réalisateur avait prévenu qu'il s'agissait purement d'une interprétation subjective des archives qu'il a recueilli, nous proposant alors SA vision de l'univers de Cobain, alors certes (ça n'en rendrait pas moins le résultat quand même bien relou pour ma part, mais au moins ce serait honnête). Sauf que là, il y a, à la base, la volonté de nous montrer "enfin le vrai visage de Cobain". On le dit démystifié dans ce film, j'ai eu l'impression du contraire, l'impression qu'on parlait ici d'une icône quasi-religieuse à force de balancer ça et là une musique tire-larme à deux balles dès que sa vie se fait plus sombre (alors qu'il ne faut pas se leurrer, Cobain, au final, c'était juste un gosse paumé au mal-être recyclable comme il en existe pléthore aux états-unis et partout dans le monde, mis à part qu'il a eu la célébrité). Ce type de documentaire ne devrait JAMAIS forcer quelconque sentiment, c'est au spectateur de disposer de ses émotions, de tirer ses propres enseignements au visionnage, sans orientation aucune, on n'est pas censé être dans la fiction (ou, au moins, dans le docu-fiction... si ?). Et puis, désolé, mais quand on continue aujourd'hui à te mettre un air délicat de piano en te faisant péter des images d'enfance de Cobain pendant que ce dernier clame en voix-off sa détresse existentielle, je te vomi des tartes aux sucres par paquet de 13. Ce montage d'archive est au documentaire ce que le biopic puant hollywoodien est à la fiction mais avec une petite mention poseur en sus.


Néanmoins, il faut tout de même signaler le travail assez ahurissant réalisé sur la forme, parce que ça a beau être du viol d'archives, c'est un beau viol, réalisé avec plein d'outils différents (et très (trop ?) propres en plus), multipliant les régimes d'images et bombardant d'effets vains mais esthétiquement sympathiques. Cependant, c'est vulgaire, pas très digeste (c'est lourd à digérer, les tartes aux sucres) et le résultat aurait été beaucoup plus authentique et crédible si le réalisateur avait opté pour la sobriété, en l'état ça fait un peu "Pimp My Doc'". En plus, ça aurait fait des économies. Hated, au moins, le docu sur GG Allin, faisait preuve d'une certaine sobriété et neutralité d'approche qui permettait un certain travail de mémoire autrement plus honnête.


Bref, foutez-lui la paix au gars, là.

Pierre_B_tw
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le 19 mai 2015

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Pierre_B_tw

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