LEGO Ninjago, le film
5.4
LEGO Ninjago, le film

Long-métrage d'animation de Charlie Bean, Paul Fisher et Bob Logan (2017)

La saga des LEGOs se vautre dans la banalité et le gentillet

Si La Grande Aventure LEGO avait été une excellente surprise en 2014, était-il vraiment nécessaire d’en tirer un univers étendu à l’instar de Star Wars, Avengers et consorts ? À en croire la Warner Bros, exploiter le filon à l’excès était même une évidence. Car, plutôt que d’attendre plusieurs années à ce qu’une suite daigne voir le jour, le studio a préféré se lancer dans la mise en chantier de divers spin-offs. Comme ce fut le cas en février avec LEGO Batman, un film certes sympathique (pour son aspect - un peu trop - référentiel et parodique du Chevalier Noir) mais qui témoignait déjà des limites de cette saga, en se présentant comme un produit purement commercial ne faisant que surfer sur le succès de son prédécesseur sans en reprendre l’essence (le côté critique du scénario). Une baisse de régime se confirmant avec ce nouveau titre, Ninjago, qui ne fait qu'enfoncer le clou sur le potentiel prématuré de cette franchise dont on se serait bien passé…


Si LEGO Batman avait encore su faire un joli score au box-office mondial (plus de 300 millions de dollars pour un budget de 80 millions), c’était surtout parce qu’il reprenait à sa sauce un univers – celui de l’Homme Chauve-Souris – faisant partie de l’inconscient collectif. Dans lequel il n’est plus besoin de présenter les personnages (Robin, Alfred, le Joker…) et encore moins certains pans de l’histoire (l’assassinat des parents de Bruce Wayne, par exemple). Bref, le long-métrage avait des bases plutôt solides pour attiser la curiosité des gens. Là, c’est différent vu que Ninjago débarqe un peu de nulle part, n’étant ni une adaptation ni une référence que l’on pourrait ressortir sur le bout des doigts. Mais une banale gamme de jouet qui fonctionne auprès des plus jeunes depuis 2011 sur Cartoon Network, via la diffusion d’une série animée inconnue du grand public encore en production. En clair, un univers qui avait grandement besoin d’une énorme promotion (comme des bandes-annonces à gogo) pour se faire voir et attirer les foules. Chose, qu’étrangement, Ninjago n’a pas bénéficié contrairement à ses aînés, l’obligeant à se contenter de peu.


Car si l’on était en droit d’avoir une sorte d’hommage ou bien de parodie aux films de kung-fu, Ninjago ne fait que reprendre bêtement l’univers dont il s’inspire. Il en reprend les personnages, la « mythologie » (j’admets que c’est un bien grand mot) et… c’est tout ! Et tout cela pour quoi ? Une banale histoire d’amitié et de surpassement de soi mille fois vue, qui ne prend jamais la peine de se lier à ses prédécesseurs (où est passé ce monde interconnecté tant montré dans les opus précédents ? les fameux maîtres constructeurs et les constructions faisant honneur à l’univers des LEGOs ?). Qui oublie l’intelligence et la maturité de La Grande Aventure LEGO pour se vautrer dans la banalité la plus totale, d’user d’une séquence live sans aucune raison si ce n’est celle de meubler son scénario. Qui, contrairement à LEGO Batman, se montre très avare en références culturelles (on a juste la présence de Jackie Chan au casting et l’utilisation exagérée du cri de Wilhelm le temps d’une scène) pour préférer l’humour enfantin, pour ne pas dire lourdingue (en même temps, les scénaristes sont ceux de la série animée…). Et qui, sans passer par la comparaison avec les œuvres précédentes, ne parvient jamais à rendre ses personnages intéressants car beaucoup trop caricaturaux et sans aucune profondeur. En clair, rien qui puisse démarquer Ninjago et en faire un film d’animation regardable pour les plus grands, ces derniers risquant fort de s’ennuyer devant autant peu d’intérêt. Les enfants, par contre, ont bien des chances d’être conquis.


En effet, si le long-métrage n’arrive pas à la cheville des précédents opus en termes de thématiques et de concept, il livre le minimum syndical afin de divertir le jeune public le temps de son visionnage. À commencer par une animation de qualité, qui se montre toujours aussi bluffante dans sa représentation visuelle des LEGOs (les mouvements saccadés, l’aspect du « fait à la main ») tout en sachant se montrer spectaculaire (la fluidité de l’action, le côté pétaradant de celle-ci…). Et ce même si certains effets cassent un peu la continuité de Ninjago avec les autres films (comme avoir de l’eau et du feu plutôt que des briques les représentant). En second lieu, si l’humour et l’histoire sont critiquables d’un point de vue adulte, ils peuvent toutefois satisfaire les jeunots car l’ensemble ne manquant jamais de rythme ni de moments pouvant se montrer touchants. Sans compter que ce récit de surpassement de soi leur est bien plus destiné, surtout avec les séquences en live qui, pour eux, prendront du sens plutôt qu’à nous.


Et c’est justement à cause de cela que Ninjago ne restera pas dans les mémoires, car étant un film d’animation bien trop gentillet et sans ambition qui ne vise que le jeune public habitué à la série animée. Ne parvenant du coup à se défaire de son image de produit hautement commercial qui ne doit son existence qu’à La Grande Aventure LEGO et rien d’autre. Résultat des courses : un score au box-office mondial en chute libre (à peine 122 millions de dollars à l’heure actuel, dont seulement 59 millions aux États-Unis pour un budget de 70 millions). Avec un échec commercial au compteur, est-il judicieux pour Warner Bros. d’exploiter le filon de la sorte ? Une suite à La Grande Aventure LEGO, pourquoi pas ! Mais LEGO Batman et surtout ce Ninjago ont suffisamment démontré qu’une franchise LEGO au cinéma n’est pas une poule aux œufs d’or comme semble chercher le studio. Vaudrait peut-être même mieux qu’il se penche avec bien plus de minutie et de professionnalisme sur certaines sagas (comme il devrait le faire sur le DCEU) plutôt que de se perdre à en créer des dizaines juste pour renflouer les caisses.

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