On pourrait considérer ce Tavernier comme le pendant chronique du Police abstrait de Pialat et du Neige baroque de Berto & Roger. Un document sur un Paris fantomatique, junky, nocturne (quoique pas si nocturne en fait) qui ne pourrait n’être que succession de catalogue d’affaires de stups mais y débusque une vraie réflexion sur le pouvoir du cinéma en plus d’être un remarquable film de terrain et d’investigation. Que le personnage central vienne du cinéma et soit en quelque sorte un cinéaste raté reconverti dans la police et les films de mariage pour arrondir les fins de mois, crée une proximité troublante, à la fois hyper théorique mais tout autant incarnée, entre lui, le cinéaste et le spectateur. C’est un film qui gagne à être revu parce qu’il est une plongée stimulante, sans frontières, dans les coulisses de la police fauchée, près de 2h30 dans les enfers de Paris qu’on ne voit guère passer, entre planques infinies, bureaux pourris, appartements miteux. Un truc frontal, sans concession, un pur film en mouvement permanent, parfois étiré, parfois détaché, doté d’une galerie de personnages formidables et une tripotée de flics bas du front, pathétiques, brossés dans leur médiocrité sans pour autant ôter un certain attachement, manifesté entre humour et tendresse – Blagues bien grasses, running gag du seau d’eau, entre autre. C’est souvent bien agencé. Seul bémol, L627 est beaucoup trop écrit, c’est ce qui m’avait considérablement gêné la première fois, certains dialogues semblent un peu trop bien organisés, mais c’est fait avec une telle générosité, un tel sens de la mise en scène qui ça rattrape haut la main les quelques trop plein d’écriture, notamment lorsqu’il veut faire rire, être en quête de la bonne vanne, du découpage parfait de l’utilisation de la parole. On a en effet parfois l’impression que c’est elle qui crée le montage, c’est vraiment mon seul reproche – le Polisse de Maïwenn, que je ne déteste pas par ailleurs, s’est vraiment mal inspiré du Tavernier à ce sujet, seulement dans ses excès en fait. Pour le reste, j’aime que L627 commence, termine, sans réel début, sans réelle fin. Qu’il ne soit que des prolongements, des continuités. Grand film, qui gagne donc à être revu.

JanosValuska
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le 16 mai 2015

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JanosValuska

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