L'abominable homme des douanes (1963)


1963 dans la France du général de Gaulle où l'ordre et la paix règnent enfin après les « événements d'Algérie », les Français s'ennuient déjà.
1963 c'est Pieds Noirs et poudre blanche à Marseille. Sous le soleil et l'Azur, « la French connection » s'étend et attire tous les rampants du crime de la région. Tous convoitent, d'une envie dévorante, une part du gâteau. Tout le monde veut toucher au grisbi, tout le monde veut ramasser du grain.
Les ambitions de certains les étouffent, les étranglent et n'ont au fond d'eux que le désir de faire main basse sur le marché. Camposantos, est un jeune agent des douanes. Sorti du ruisseau, il trainait dans la fange de la ville et sa volonté de puissance le pousse à rentrer dans la bureaucratie pour noyauter le système de l'intérieur. Très vite, il se trouve barré par Bretchiani, son supérieur, qui ne veut pas lui laisser la place, conscient de la dangerosité de son collaborateur. Alors, Camposantos s'impatiente et renoue avec le milieu. Il rejoint le Grec, qui se livre à une guerre sans pitié contre le Russe. Les complets noirs, tâchés de sang s'alignent, s'écroulent. La guerre des bandes faire rage. Elle est sale, sans pitié. Calculateur, Camposantos se sert de ces dissensions pour arriver à ses fins et mettre la main sur le port de Marseille et abat de sang froid celui qui fut son supérieur. Le tableau est loin, bien loin de la Provence « pagnolesque » ou « mistralienne », mais c'est le nouveau Marseille: une atmosphère criminogène, lourde, pesante, l'odeur ferreuse du sang qui emplit les narines de ceux qui vivent encore. Personne ne pensait que l'enfer était fleuri de lavande.


Alors, ça, c'est la version du film que vous auriez aimé voir. Il n'en est rien, cette version n'existe pas. La seul réalité de « L'abominable homme des douanes » est celle que je vais vous exposer bientôt. Je reconnais avoir été faible et de m'être laissé piéger par le titre du film. Car c'est bien la seule raison qui m'a poussé à le choisir, et c'est bien triste. Ce titre loufoque ne repose que sur une analogie avec « Le redoutable homme des neiges » de Val Guest sorti 6 ans plus tôt.
Cette comédie policière est l'oeuvre de Marc Allégret, famille bien connue du cinéma français. En revanche, pour ce qui est de ses films, aucun n'est réellement passé à la postérité, et ce n'est pas faute d'avoir essayé et peut-être aurait-il dû se cantonner aux documentaires comme il en réalisa au début de sa carrière à la fin des années 20.
Le point commun avec l'histoire précédente c'est quand même Camposanto (Darry Cowl) qui est un petit gars, qui n'a rien d'exceptionnel, secrétaire des douanes appliqué, travailleur, mais ambitieux, souhaitant voir ses efforts récompensés par son supérieur, monsieur Bretchiani (Nicolas Vogel). A Marseille, deux clans s'affrontent celui du Grec Arnakos interprété par Francis Blanche et celui du Russe Gregor (Marcel Dalio). Gregor a la supériorité sur son rival, l'autre le vit mal, et cherche à renverser la table. Arnakos veut doubler son ennemi et rafler la mise sur 500 000 000 millions de Francs (anciens, donc 5 de nouveaux, donc moins d'1 million d'euros pour les plus jeunes) de drogue. Dans le même temps, le compatriote d'Onasis et de Nana Mouskouri attend un type de l'élite, Tinetti le muet, un célèbre gangster américain. Mais, comme tout ne se passe jamais comme prévu, un qui pro quo s'installe et c'est le douanier qui est pris pour Tinetti.
Les différentes péripéties font que par successions de miracles, il réussit à donner le change. Heureusement que l'Américain était muet !
Bref, ce film est un peu léger dans son contenu. Les gags sont ratés. Pourtant Darry Cowl fait partie de la lignée des acteurs visuels du Panthéon français. Francis Blanche, joue encore un type avec un accent, mais ça ne marche pas, parce que les répliques ne sont pas drôles, tout est téléphoné, attendu. Le film souffre également d'une misogynie très loin d'être latente. La femme est réduite à l'objet du beau, à la ménagère, à l'éternelle mineure. Parfois, cela peut-être drôle, là, la misogynie est intégrée, normalisée. Je porte un jugement avec notre regard d'aujourd'hui, et il est nécessaire de le nuancer, puisque c'est toujours difficile d'évaluer une situation avec 50 ans d'écart et des codes qui changent, mais c'est un fait : même à l'époque ça n'a pas dû décrocher les poumons de rire à qui que ce soit. Une farce ratée autour de 3/10, mais il est intéressant parfois de voir ce genre de choses, puisque ce sont les remèdes parfaits à la doctrine du «c'était mieux avant». Le cœur de l'Homme est bien plus tendre qu'on ne pense, surtout avec ce qui n'est plus. Cependant, tout dans le passé n'était pas mieux, la nostalgie est aussi tromperie et « L'abominable homme des douanes » en est une preuve tangible.


Ps : et en plus personne ne porte d'uniforme de douanier dans le film !

Sarrus-Jr
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le 26 mars 2020

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Sarrus Jr.

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