Après Night Crawler, en parti réussi mais assez « antipathique », Dan Gilroy poursuit son exploration des travers de l’Amerique moderne en s’appuyant de nouveau sur un perso principal borderline autiste avec l’Affaire Roman J. Après les dérives voyeuristes de la télévision, c’est à l’injustice d’un système judiciaire dévoyé par le capitalisme et l’argent à tout prix que s’intéresse le réalisateur, par ailleurs scénariste du cultissime The Fall et du sympathique Kong : Skull Island.
L’autiste avide de célébrité campé par Jake Gyllenhaal laisse cette fois la place à un gratte-papier de génie inadapté au monde qui l’entoure interprété par Denzel Washington.


Malgré une pleine valise de défauts, Night Crawler parvenait à conserver un certain équilibre entre ses protagonistes et sa narration, ici le Roman J du titre, personnage génial piloté par un acteur brillant prend toute la place et ne laisse que des miettes autour de lui. On se rend compte assez rapidement que l’histoire bâtie autour de lui n’est qu’un prétexte pour tricoter le personnage et la tempête dans son cerveau.
Denzel Washington, toujours juste quelle que soit la qualité du film, parvient à rendre son personnage tantôt touchant tantôt amusant sans jamais cabotiné ni le tourner en ridicule. A la façon d'une Meryl Streep, il est comme souvent bien meilleur que le film qui l’entoure. Le jour où il va se retrouver chez PTA ou Scorsese, on va tous bégayer en ouzbek. Du coup, on peut comprendre que Dan Gilroy abandonne une à une toutes les pistes de chronique judiciaire traditionnelle qu'il s'efforce pourtant d'esquisser pour s’intéresser à la « corruption par le monde d’un innocent » ainsi que l’a très justement qualifié Télérama.


Si on peut déplorer que ce parti-pris n’apparaisse clairement qu’à la fin du film, on regrettera surtout que Dan Gilroy ne s’appuie pas plus sur le personnage de Colin Farrell, qui par petites touches laisse passer une étincelle insoupçonnée de foi en l’avenir alors qu’il semblait incarner pendant tout le film un connard en costard dans la plus pure tradition hollywoodienne. C’est d’ailleurs peut-être ça qui m’a déstabilisé, la façon dont Dan Gilroy prend le contre-pied de nos attentes, basées sur notre familiarité des clichés hollywoodiens. Ce n’est pas toujours fait avec beaucoup d’habileté, mais quand on y repense, ça fait plaisir.

Mogadishow
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le 16 mars 2018

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