Disons-le tout de suite : cinématographiquement parlant, c'est mauvais, d'où mauvaise note.


Reste le portrait sociologique: l'enième film de crise d'un cinquantenaire. Jean-Marc Leblanc se considère comme meilleur que ceux dont il subit la médiocrité. Lui, n'est-ce pas, a gardé quelques idéaux et il s'autorise une maousse transgression (il fume dans des périmètres interdits !). Avec, pour faire passer la crise, cette vague originalité des interludes rêvés (toutes ces femmes qui ne veulent que lui) : curieux clins d'œil qui font passer le film du réalisme triste vert-de-gris au fantasme demi-drôle châtoyant (les tenues desdites femmes).


Mais comme on n'est pas dans un film états-unien, il n'y aura pas de manichéisme, pas de règlements de compte éclatants contre les vilains et les méchantes, en tout cas dans la vraie vie. Ni contre sa cheffe de bureau tâtillonne (au contraire, en une phrase elle montre qu'elle n'est pas si pire), ni contre son épouse (qui elle aussi, en un peu plus d'une phrase, lui montre ce qu'elle a bâti, quand lui n'a rien réalisé, ce à quoi il est d'ailleurs incapable de répondre).


Au-delà, c'est assurément la crise du Québec qu'Arcand veut peindre : la province a perdu son idéal social, elle s'étatsunise (petit coup de griffes bien élimées à « ce qui plaît à la censure américaine » avec les fesses (un peu molles, mais moins que le film) de Diane Krueger), elle se puritanise, ses habitants sont rongés par leur boulot, par le fric (l'épouse de Jean-Marc incarne ces tares), ils ne communiquent plus, isolés dans leurs voitures, avec leur téléphone portable, par leur masque anti-germes. Au moins agissent-ils. Jean-Marc se contente d'avoir conservé un regard atterré sur ce monde. Atterré, pas révolté. La belle affaire dans la belle province : elle n'a que faire du mal-être de Jean-Marc, elle qui a déjà tant à faire pour (échouer à) régler des mal-êtres bien plus sérieux (c'est d'ailleurs le métier de Jean-Marc). En fait, la vie de Jean-Marc est aussi médiocre que la vie de ceux qu'ils regarde de loin.


Arrivé à ce point où le constat sociologique, posé se pose le problème de la narration cinématographique : comment conclure un film pareil ? On peut pas. Et, hélas, Denys Arcand met du temps à ne pas pouvoir. Il fraye du côté de Candide (voir critique faite par Zeugme), et termine sur des épluchures de pommes. Ça vaudrait un point en moins, mais il y a les fesses de D. Krueger (mêmes molles), alors...

Bestiol
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le 28 janv. 2012

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