Après une carrière marquée par des hauts et des bas dans le film muet à Hollywood, en 1930, Josef von Sternberg, qui semble sur le déclin après l’échec de son dernier film, accepte une invitation à réaliser un film en Allemagne, « L’Ange Bleu ». Son acteur principal sera Emil Jannings, qu’il a déjà dirigé en 1928 dans « The Last Command ». Pour le rôle féminin, von Sternberg choisit une actrice alors méconnue, qui répond au doux nom de Marlene Dietrich.


Le film est basé sur un roman de 1905 d’Heinrich Mann, « Professor Garbage ». Dans une ville de la république de Weimar, Immanuel Rath est un très estimé et respecté professeur au collège local, où il enseigne la langue de Shakespeare à ses étudiants avec une extrême sévérité. L’enseignant surprend un trafic de photographies, des images de la sulfureuse chanteuse Lola Lola, qui se produit au cabaret local, ‘L’Ange Bleu’. Cherchant à y surprendre ses élèves, il s’y rend le soir-même, où il rencontre finalement la fameuse Lola…


« L'Ange Bleu » est un film sur la déchéance d’une figure digne et respectée (ici, le professeur, qui jouit d’une reconnaissance sociale). Fou d’un amour possessif pour la chanteuse, il développe bien vite une jalousie maladive qui lui empoisonne l’esprit. Elle, séductrice légère et sans attaches, incarne la figure dévoyée qui va corrompre cet homme respectable.


Nous sommes encore aux débuts du cinéma parlant, et les restrictions de cette nouvelle technologie empêchent les réalisateurs de filmer comme cela leur était possible à l’époque muette. « L’Ange Bleu » n’a donc pas grand-chose à voir avec, par exemple, « Les Damnés de l’océan », qui est une merveille de perfection dans la composition des scènes et le choix des éclairages.


L’histoire du film est prometteuse, mais « L’Ange Bleu » souffre de quelques longueurs, et d’une fin bien trop abrupte, mal négociée. En dépit de sa longueur (1h45, largement suffisante pour mettre bien les choses en place), il y a de gros soucis de rythme. Le pitch choisi, un ‘rise & fall’, ne nous laisse pas le temps d’observer la descente aux enfers d’Immanuel Rath. Toute sa déchéance est bien trop brutale, expédiée en dix minutes pour conclure le film.


La grande force du film, outre son thème assez sombre et son sujet intéressant, ce sont ses interprètes. Emil Jannings – le lauréat du premier Oscar du meilleur acteur de l’histoire, par ailleurs – livre une prestation plein de justesse dans ce rôle de professeur autoritaire qui se laisse séduire par la fraîcheur et le charme d’une chanteuse de cabaret. Evidemment, le gros intérêt de « L’Angle Bleu », c’est d’avoir fait découvrir Marlene Dietrich au reste du monde. Ici elle n’en est qu’à ses débuts avec von Sternberg, et sera mieux mise en valeur dans leurs contributions suivantes. Les éléments qui font sont charme sont déjà là : ses expressions faciales et son langage corporel, et surtout sa voix. La film laisse d’ailleurs la part belle à la chanson, et nous propose quatre morceaux chantés par Marlene, qui sont tous excellents.


Avec « L’Ange Bleu », Josef von Sternberg relance sa carrière Hollywoodienne et fait découvrir au monde celle qui sera sacrée 9e actrice de légende par l’AFI. C’est le début d’une collaboration de sept films. Sombre et pessimiste, l’histoire de « L’Ange Bleu » est celle d’un homme qui éprouve une passion autodestructrice pour une femme. Intéressant, mais long et pas toujours bien rythmé, on regrettera que le succès du film tienne principalement aux cuisses dénudées de Marlene Dietrich… ou pas.

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le 2 juin 2015

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Aramis

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