L'Anguille
7.5
L'Anguille

Film de Shôhei Imamura (1997)

La palme d'or du 50ème festival de Cannes, ex-aequo avec Le goût de la cerise d'Abbas Kiarostami, n'est autre qu'un film japonais signé Shôhei Imamura: L'anguille. Le réalisateur nippon est alors en proie au doute. Son oeuvre précédente, Pluie noire, a été un énorme échec commercial. S'ensuit pour Imamura un long silence de sept ans. C'est en se basant de la nouvelle Scintillement dans l'ombre d'Akira Yoshimura, qu'est né ce film. Pour l'aider dans cette tâche, son fils co-écrit le scénario.
Le cinéaste va surtout s'attarder sur une partie de Tokyo que nous ne connaissons pas et qui est très rarement montrée à la télévision. Sa banlieue et ses pêcheurs, paysans, ouvriers,... Bref, on s'attarde nettement sur les gens simples qui font partie d'une classe sociale non aisée. Mais c'est bien plus que cela, on va réellement intégrer la psychologie de Takuro. On va tenter de comprendre son acte mais également sa tentative de rédemption qu'il cherche à gagner aussi bien des autres que de lui-même.
Ainsi, sur l'ensemble du film, la réalisation est d'une sobriété sans égale, nous dévoile des paysages alors inconnus de Tokyo. Ainsi, on se retrouve en pleine nature, la caméra s'arrête parfois sur les paysages pour nous en dévoiler toute leur beauté. Et ad contrario, la scène du meurtre est brève mais violente. Mais L'anguille, c'est avant tout l'histoire d'un homme qui a connu la trahison de la part de sa femme. Une lettre lui apprend qu'elle le trompe. Il veut alors retrouver sa dignité et en les surprenant, il perd totalement ses moyens, blesse l'amant et assassine son épouse. Comprenant la gravité de son geste, il se rend immédiatement à la police. Le réalisateur ne s'attarde pas sur son passage en prison. On va alors suivre la réinsertion de l'ancien prisonnier dans la société. Nul doute qu'elle est difficile. Il tente tant bien que mal de garder son secret. Quelques voisins se lient d'amitié avec l'homme mais il reste taiseux. On comprend dès lors que l'homme est mal dans sa peau, qu'il ne se sent pas bien avec les autres. Son anguille, animal qu'il a apprivoisé durant sa détention et qui est devenue sa seule confidente (car elle lui répond et qu'elle ne juge pas), sait tout de l'homme. On a d'ailleurs des moments plus psychédéliques avec celle-ci, lorsque Takuro plonge dans l'aquarium pour y rattraper quelque chose (par exemple). Au fur et à mesure qu'on avance dans le film, on se rend compte que l'homme n'a toujours pas digéré son acte. Ca se traduit à un moment donné lorsque le personnage dit: "Je l'aimais mais je l'ai tuée. Je ne comprends pas."
Un autre point très important dans l'oeuvre, c'est bel et bien lorsqu'il sauve une jeune femme du suicide. Keiko, pour le remercier, va devenir son assistante au salon. La relation entre les deux personnes est très difficile au début. Celle-ci parle énormément avec l'homme alors que ce dernier ne lui répond que très peu et est plutôt fuyant. Mais mine de rien, c'est cette jeune femme qui va sauver Takuro et qui va surtout l'aider psychologiquement. L'homme semble réellement guérir lorsque celui-ci accepte de dire qu'il est le père de l'enfant que la jeune femme porte en elle.
L'anguille est très intéressant car le film démontre que chaque être humain recherche sa place dans la société et que celle-ci doit être digne. Il tient aussi à dénoncer le fait que l'homme juge parfois trop souvent et trop hâtivement. C'est en recherchant cette place que Takuro a commis l'irréparable. L'oeuvre de Shôhei Imamura est réellement réussie. En vrai film d'auteur, le réalisateur s'attarde bien plus sur le fond que sur la forme (même si on pourra dire que certains plans sont superbes). Une oeuvre immanquable pour tous les fans du cinéma nippon et asiatique.
batman1985
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le 6 mai 2011

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